31e Biennale d’art contemporain
Pavillon Matarazzo / 7 septembre - 9 décembre 2014 L’art contemporain sert-il à quelque chose? Est-il politique ? Peut-il contribuer à imaginer et changer le monde? Pour sa 31e édition, la biennale de São Paulo, la deuxième plus ancienne biennale de la planète après Venise, tente de répondre par l’affirmative. L’équipe des sept commissaires d’exposition, dirigée par Charles Esche, directeur anglais du Van Abbemuseum d’Eindhoven, propose une biennale profondément politique. Avec la ferme intention d’inciter au débat. Il s’agit presque d’une habitude pour cet événement. Déjà, la 28e édition avait fait polémique en montrant des salles d’exposition vides, sans oeuvre. Cette année, elle s’inscrit dans l’actualité du Brésil, en pleine campagne électorale présidentielle, un an après de violentes manifestations qui ont illustré les nouvelles aspirations de la population, encouragées par plusieurs années de croissance. Le titre de la méga-exposition, qui contient 250 oeuvres sur les trois étages du pavillon Ciccillo Matarazzo, au coeur du parc d’Ibirapuera, est volontairement partiel et énigmatique : How to (…) that don’t exist, (Comment (…) des choses qui n’existent pas). Les parenthèses et points de suspension proposent au visiteur de compléter avec un verbe. « Cela peut-être comment ‘’ reconnaître ‘’, ‘’ lutter pour ‘’, ‘’ créer ou imaginer ‘’ des choses qui n’existent pas », précisent les com- missaires d’exposition, dont seulement deux sont latinos. Sur la rampe d’accès à la biennale, le Map gigantesque du Chinois Qiu Zhijie donne le ton. Un dessin au crayon et à l’encre qui invente une nouvelle géographie des concepts et pensées, où le rastafarisme côtoie le judaïsme noir. Les extrémismes et les courants philosophiques se transforment en montagnes ou en îles. Parfois, ce plan prend des contours humains, tels les jambes arquées et les doigts de pied d’un bébé. Avec sa formation de calligraphe, Qiu Zhijie utilise la cartographie et la tradition antique chinoise pour dresser les plans de lieux imaginaires, pour « rendre l’inconnu visible et compréhensible », plaide Charles Esche dans le catalogue de l’exposition. Plus loin, on trouve des artistes ancrés dans la réalité sociale de leur pays. Il y a ces grandes peintures murales du Brésilien Eder Oliveira, qui montrent de jeunes criminels stigmatisés par les journaux de sa ville natale, Belém, au nord de l’Amazonie. Ces visages métis, noirs, dénoncent un traitement partial et raciste de l’insécurité par les médias. À côté, Ce n’est pas sur des chaussures, de Gabriel Mascaro, s’intéresse au regard des autorités sur les manifestants. L’artiste brésilien a récupéré des vidéos de la police fédérale dont l’esthétisme obéit à un protocole d’infiltration particulier. Afin de les identifier et de les arrêter, les policiers filment les chaussures des manifestants, seuls éléments distinctifs car ces derniers changent leurs vêtements pour préserver leur identité. En miroir, lui répond le clip hip-hop explosif Wonderland d’Halil Altindere. Le Turc proteste contre la destruction d’un quartier pauvre d’Istanbul, envahi par la promotion immobilière. Il évoque ainsi la réalité turque, en écho aux révoltes du parc Gezi et de la place Taksim. Au premier étage, Errar de Dios (S’écarter de Dieu) établit un dialogue entre le collectif sud-américain Etcétera et son maître, l’Argentin León Ferrari, mort en 2013. L’installation comprend deux tribunaux rouges qui se font face et donnent à voir les atrocités de l’histoire en noir et blanc. Sur les tribunes, des téléphones censés aider à reconstituer des phrases incomplètes sonnent occupé. Des fascicules contiennent des dialogues imaginaires entre Dieu et un fidèle, l’entreprise Monsanto, la banque Goldman Sachs ou encore le pape François – sujet par ailleurs d’une pétition pour mettre fin à l’Enfer. Le visiteur est prié d’inventer de nouveaux textes. Un humour d’inspiration surréaliste. Une critique de la spéculation du capitalisme. de l’Autrichienne Inés Doujak et de l’Anglais John Baker, revisite la mode et la musique funk des favelas, au cours d’un voyage hypnotique. « Ce sont les artistes qui peuvent parler ou s’exprimer sur les choses qui n’existent pas. Car l’art, tout du moins contemporain, est une forme d’invention, de quelque chose qui n’a pas encore été découvert ni compris. Quelque chose hors du sens commun et de certaines logiques », résume le commissaire général de l’exposition, Charles Esche. What is contemporary art good for? Is it political? Can it contribute to reimaging and changing the world? The thirty-first São Paulo biennial, the planet’s second oldest (after Venice), seeks to answer in the affirmative. The team of seven curators led by Charles Esche, the British director of the Van Abbemuseum in Eindhoven, has produced a profoundly political exhibition with the intention of inciting debate, which has become almost a habit for this biennial. The twenty-eighth edition kicked off a polemic with its bare, artwork-less exhibition rooms. This year’s biennial is fully situated in a national context that includes a full-throated electoral campaign a year following violent protests that revealed