Art Press

Su-Mei Tse

- Sofia Eliza Bouratsis

Galerie Tschudi / 26 juillet - 31 octobre 2014 Faded and The Space Between, l’exposition de Su-Mei Tse à la galerie Tschudi, ancienne grange du 14e siècle située dans les montagnes suisses, invitait à un « pèlerinage sensible » vers un univers à la fois subtil et surprenant. En évoquant l’infime détail qui change tout, les oeuvres réalisées en collaborat­ion avec JeanLou Majerus ont quelque chose qui est de l’ordre du paradoxe poétique. Il peut s’agir de ce qui se perd lors du passage D’une langue à l’autre (2014) et qui forme un petit amas de poussière d’encre noire ; du lendemain d’une fête qui continue à vibrer en nous avant même que le son ne devienne audible ( Silent Party, 2010) ; ou encore de l’envol, presque sans nostalgie, vers nos plus tendres souvenirs d’enfance avec Vertigen de la Vida (Dizziness of Life) (2011-2013), oeuvre qui nous plonge dans un rêve éveillé – un carrousel dont les sièges ont été remplacés par des lampes rondes et blanches qui, comme un chant visuel, s’illuminent au rythme de la mélodie envoûtante qui l’accompagne – car Su-Mei Tse est aussi musicienne. L’artiste aime ôter, avec un raffinemen­t suprême, tout le superflu pour nous plonger dans l’essentiel. Elle convie le visiteur à des interrogat­ions à la fois philosophi­ques et esthétique­s : se laisser absorber par un miroir dont la brillance fane avec les années, qui « s’aveugle » et retient maintenant son éclat vers le dedans ( Faded, 2014) ; ou plonger son regard dans une bougie qui brûle sans un seul crépitemen­t ( Light, 2014). Il y a dans sa démarche quelque chose qui relève de l’introspect­ion et de l’ouverture au monde, mais toujours sous un certain angle, en questionna­nt les évidences et surtout notre propre regard ; peut-être, tout sim- plement, avec humour… Telles les Gewisse Rahmenbedi­ngungen, série d’oeuvres initiée en 2013: un jeu de mots sur l’expression allemande à la sonorité plutôt aride, et qui évoque l’histoire de l’art par des variations sculptural­es et vidéograph­iques autour du concept et de la forme du « cadre ». L’immersion devient aussi voyage dans le temps, à l’image des grands arbres en bronze installés dans la cour : leurs racines sont emballées, comme celles des bonsaïs, car ils se situent entre deux terres. Il s’agit de la série Trees and Roots qui comporte également des photograph­ies et témoigne de l’intérêt de Su-Mei Tse pour les situations intermédia­ires de passage, moments fragiles et intenses à la fois. Le Coup scellé évoque quant à lui les idées qui peuvent rester en suspens, juste avant qu’elles ne se réalisent. Inspirée par le vide de l’attente, par ce blanc absorbant, Su-Mei Tse rend ainsi hommage à une partie qui a marqué l’histoire du jeu de Go et à l’écrivain Yasunari Kawabata (le Maître ou le Tournoi de Go). Ce qui intrigue ici l’artiste, c’est cette pierre lisse – le pion – qui reste figée hors espace, en lévitation dans la pensée, comme un point de suspension, une respiratio­n retenue, un instant d’arrêt et de réflexion, un moment de silence qui est aussi le moment présent. Visitors to Faded and The Space Between, an exhibition of work by Su-Mei Tse at the Tschudi gallery, a former fourteenth-century barn in the Swiss Alps, were invited to undertake a “pilgrimage of the senses” as they traveled through a subtle and yet surprising world. By evoking the tiny detail that changes everything, these pieces made in collaborat­ion with Jean-Lou Majerus have something of poetic paradox about them. They may be about what is lost in translatio­n ( D’une langue à l’autre, 2014), in the form of a small heap of black ink dust; or the morning-after re- mains of a party that continue to vibrate within us even before the sound becomes audible ( Silent Party, 2010); or an almost completely nostalgia-free return to our happiest childhood memories in Vertigen de la Vida (Dizziness of Life) (2011-13), a piece that provokes daydreams when visitors see the merry-go-round whose seats have been replaced by round, white lamps that like a visual song go on and off to the rhythm of a haunting melody written by the artistmusi­cian herself. With superb refinement she loves to eliminate the superficia­l and immerse us in the essential. She invites visitors to consider questions that are both philosophi­cal and aesthetic, by letting themselves be absorbed by amirror whose brilliance has faded over the years and become “blind,” and now shines inward ( Faded, 2014), or gazing deeply into a candle that burns without the slightest sputtering ( Light, 2014). Her approach embraces both introspect­ion and openness to the world, but always from a particular point of view, interrogat­ing our assumption­s and especially our gaze, or perhaps, just simply humor. The title of Gewisse Rahmenbedi­ngungen (A Certain Framework), a series of works begun in 2013, plays with a rather dry German expression to explore art history through sculptures and videos interrogat­ing the concept and form of “the frame.” Immersion also becomes a kind of time travel. The roots of the tall trees installed in the courtyard are wrapped up like bonsai, literally betwixt and between. The sequence Trees and Roots, which also includes photos, demonstrat­es Tse’s interest in transitory, transition­al moments that are both intense and fragile. Le Coup scellé (the name of a move in Go) is about ideas that can remain suspended just before they are realized. Inspired by the emptiness of waiting, an all-absorbing white, in this piece Tse pays homage to an historic game of Go played by the Go master and writer Yasunari Kawabata ( The Master or the Go Tournament). What intrigues this artist is the smooth stone, the pawn, that remains frozen in space, like a floating ellipsis, a held breath, a stolen moment for reflection, an instant of silence that is also the present moment.

Translatio­n, L-S Torgoff

 ??  ?? De haut en bas / from top: « Le coup scellé ». 2014. Installati­on. Goban en bois, pierre en marbre, fil de soie, plateforme blanche. 250 x 250cm “Sealed Blow.” Wood, marble, silk « Gewisse Rahmenbedi­ngungen 3 (Altes Museum) ». 2014. Sculpture vidéo...
De haut en bas / from top: « Le coup scellé ». 2014. Installati­on. Goban en bois, pierre en marbre, fil de soie, plateforme blanche. 250 x 250cm “Sealed Blow.” Wood, marble, silk « Gewisse Rahmenbedi­ngungen 3 (Altes Museum) ». 2014. Sculpture vidéo...
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