Daniel Dezeuze
Galerie Daniel Templon / 6 septembre - 25 octobre 2014 Pour sa dernière exposition à la galerie Daniel Templon, Daniel Dezeuze semble revisiter son propre travail avec une certaine allégresse, sinon une insouciance non feinte, tout comme celui de ses amis du mouvement Supports / Surfaces à l’heure où celui-ci est l’objet d’un regain d’intérêt, en particulier aux États-Unis. Si, sous l’intitulé de Battements, chemins, l’artiste fait explicitement référence à la philosophie chinoise – le Tao en particulier–, ainsi qu’à la création du monde selon la religion juive, on nous permettra de suivre une voie plus immédiate : celle d’une forme d’autobiographie artistique que chaque oeuvre exprimerait avec une certaine liberté de ton ; comme s’il s’agissait de regarder le chemin parcouru, d’en repérer les moments de battements principaux, les moments d’énergies créatrices, puis d’en rebattre les cartes joyeusement. Vanité reprend ainsi le motif du châssis vide qui a rendu l’artiste célèbre à la fin des années 1960, mais en le superposant et en multipliant les formats telle une mise en abîme, Sine die le principe de l’enroulement de matériaux peints, ici des lattes de bois traitées en contrastes bichromiques. Mais c’est surtout à travers la série des Soleil que les facéties plastiques de Daniel Dezeuze s’expriment avec une intensité et une vivacité inégalées. Reprenant le motif de la fenêtre rectangulaire surmontée d’une imposte en forme de demi-soleil, l’artiste en multiplie tous les possibles : géométrie, dessin, polychromie, mais surtout finesse, légèreté et transparence, sautant ainsi de la vitre à la grille, du grillage au paysage. D’une certaine manière, Daniel Dezeuze est à l’art contemporain ce que Verlaine est à l’art poétique : « De la musique avant toute chose / Et pour cela préfère l’Impair / Plus vague et plus soluble dans l’air / Sans rien en lui qui pèse ou qui pose […] Car nous voulons la Nuance encor / Pas la Couleur, rien que la nuance ! / Oh ! la nuance seule fiance / Le rêve au rêve et la flûte au cor ! » Réalisée en treillis de bois et en tissu de fils d’aluminium, cette série des Soleils possède la même grâce et la même immatérialité que les gazes qui l’a précédée. Peinte par touches fines et agiles, presque saupoudrée de pigments volatiles, elle décline l’un des plus beaux hommages à Pierre Bonnard qu’un artiste contemporain puisse réaliser, un Bonnard vif, aérien, enchanté. Et c’est sans doute cette liberté que l’artiste se donne à revisiter son propre passé tout en re- gardant vers le futur qui suscite l’admiration des jeunes générations, cette forme de bricolage qui fait toute la valeur d’un travail tout à la fois désinvolte et savant, curieux et érudit, simple et complexe. Malgré un accrochage un peu trop touffu qui tend à faire de l’ombre aux véritables pépites qu’il accueille, cette nouvelle exposition de Daniel Dezeuze témoigne une fois de plus de sa capacité à développer une oeuvre particulièrement riche et féconde, et de son regard ouvert sur le monde et toujours aux aguets. In his latest show at the Daniel Templon gallery, Daniel Dezeuze seems to revisit his work with a certain jubilation, if not unabashed frivolity, just like his Supports/Surfaces friends at a time when that movement is being reevaluated upward, particularly in the U.S. While the title Battements, chemins (Heartbeats, roads) is an explicit reference to Chinese philosophy, Taoism in particular, and the creation of the world in Jewish mythology, the show allows us to explore a more immediate path. In fact, it is an artistic autobiography to which each piece freely contributes in its own way, as though the artist were gazing at the road traveled, recognizing the decisive heartbeat moments, the moments of creative energy, and then joyfully reshuffling the deck. Vanité returns to the meme of the empty painting stretcher that made Dezeuze famous in the late1960s, but using multiple superimposed formats to produce a mirrors-within-mirrors effect. Similarly, Sine die revives the principle of coiled materials, in this case wooden trellises whose laths are painted with two contrasting colors. But it is in the Soleil series that Dezeuze’s visual high jinks reach an unprecedented vivacity and intensity. Reprising the motif of a rectangular window with a transom in the shape of a half-sun, his variations involve geometry, drawing and polychromy, and above all subtlety, lightness and transparency, as they leap from window to grating and from mesh to landscape. In a way, Dezeuze is to contemporary art what Verlaine was to poetry: “Music above everything/The Imbalanced preferred/Vaguer, more soluble in air/Nothing weighty, fixed therein […. ] For we always desire Nuance/ Not Colour, nuance evermore! /Oh, nuance alone can wed/Dream with dream, flute with horn!” Made of wooden trellises and woven aluminum wires, the pieces in the Soleil series have the same grace and immateriality as the gauzier ones that preceded them. Painted with fine, agile brushstrokes, as if dusted with flying specks of pigment, the series is the best possible tribute to Pierre Bonnard any artist could make—a vivacious ethereal, enchanted Bonnard. Perhaps what the younger generation admires the most about Dezeuze is how he allows himself to revisit his past while looking toward the future, and his DIY way of putting things together to produce pieces that are casual and skilful, curious and erudite, simple and complex. Despite a slightly overstuffed display layout that tends to overshadow the veritable nuggets it is supposed to highlight, Dezeuze’s new show once again demonstrates his ability to produce particularly rich and fertile art, and to remain open to the world, always keeping watch.
Translation, L-S Torgoff