Poésie et Photographie
Galilée Le programme de ce petit essai est explicite : s’attacher à « un des effets troublants de la première photographie, son introduction d’une pensée du non-être, si ce n’est du néant, dans l’univers des images » ; conduire vers une lecture d’un récit de Maupassant, la Nuit ; affirmer que les poètes se doivent de « ne pas hésiter à exprimer des réserves, des inquiétudes ou d’ailleurs aussi leur approbation en présence des formes diverses et peut-être contradictoires que l’acte et les visées du photographe ont prises depuis le… daguerréotype ». La réflexion de l’écrivain avance encore une fois, ici, en manière de « raturer outre ». Sur la poésie, l’essayiste ne dit rien de nouveau (sa lecture de Baudelaire, scolaire et « psychologisante », est à mon sens un désastre), en revanche ses rappels sont signifiants dès lors qu’il s’agit de les poser comme critique de la photographie. Sur le regard, sur l’Autre, les notations d’Yves Bonnefoy tirent essentiellement de Lévinas et Heidegger sans que ces auteurs soient nommés (sans doute le mode de la conférence dont est issu l’essai justifie cette absence-présence). Sur la photographie, la méditation et l’historique que déroule le poète font le meilleur de son texte, et c’est alors pleinement que nous le suivons dans sa suggestion d’ouvrir une « histoire de l’invention en photographie, devenant quelquefois un combat contre la fascination qui appelle à se jeter dans son gouffre ». Bonnefoy, peut-être timidement mais avec assurément grand talent, rejoint le camp de ceux qui sentent la nécessité d’un sursaut contre le nihilisme. On ne peut cependant manquer de sentir que le cadre de la «conférence grand public » induit une tonalité conventionnelle et importe des prudences jusque dans l’exposé.