L’Artiste commissaire
Éditions des archives contemporaines Julie Bawin, universitaire belge, avait déjà consacré plusieurs études à la collection d’art ( l’OEuvre collection, 2009). Sous-titrée Entre posture critique, jeu créatif et valeur ajoutée, cette nouvelle publication interroge l’évolution des pratiques de mise en valeur institutionnelle de la création vivante en arts plastiques. Faisant oeuvre d’historienne, Julie Bawin met ici en perspective, dans la lignée de James Putnam, l’actuel triomphe du « curating » et ses conséquences: déplacement du pouvoir de l’artiste vers le commissaire ; tentation de l’artiste à se faire commissaire ; glissement de la création d’oeuvres d’art conventionnelles stricto sensu vers la création d’expositions qui prennent rang et valeur d’oeuvre d’art. Ce mouvement, qui tend à requalifier la notion d’« oeuvre d’art » dans le sens du produit spectaculaire, ne laisse pas les artistes désarmés. Ces derniers, parfois sous l’impulsion de directeurs d’institutions, se font à leur tour curateurs, en un renversement à leur profit de la logique première. Où l’institution artistique montre d’ordinaire l’artiste et ses travaux, l’artiste montre à présent l’institution artistique et ses stratégies de réputation, de communication et d’affichage. En filigrane, cette étude a pour visée de faire leur sort aux approximations souvent proférées à propos des rapports entre artiste et institutions en charge de l’exposition de l’art vivant. Sa rigueur, le refus des spéculations en font d’ores et déjà une référence à opposer utilement aux lectures sociologisantes, toujours oublieuses d’un élément capital, ici examiné de près, la création artistique même et ses pulsions d’existence publique à tout prix. Ainsi, pour reprendre le mot de Marcel Broodthaers, l’artiste n’est pas un « administrateur culturel » comme les autres.