Art Press

Sébastien Rémy, Cyril Verde

- Theodora Domenech

Villa Arson / 9 novembre 2014 - 19 janvier 2015 Née d’un goût pour le cinéma, le café, les discussion­s, cette exposition crée un environnem­ent propice à l’échange. Les murs gris, la moquette, ainsi que l’invitation du médiateur (parmi lesquels les artistes eux-mêmes) à déguster un café créent une ambiance feutrée et conviviale. Aucune cimaise ne découpe l’espace de la Galerie carrée de la Villa Arson ; un ordre de lecture est suggéré par une série de numéros placés au sol, auxquels renvoient les articles du journal de l’exposition. Recouverts de dessins à la craie, les murs rappellent des tableaux d’école. Ceux-ci n’étant pas surélevés, comme c’est ordinairem­ent le cas, le rapport hiérarchiq­ue propre à la transmissi­on académique est aboli, de même que la hiérarchie entre les références utilisées. Au sol, sur une moquette d’un bleu vif, est imprimée la simulation en trois dimensions d’un plan de travail fictif, celui du projet général ACME dans lequel prend place la présente exposition. On y voit des amas de dessins, de photograph­ies, de lettres, d’objets de bureau. A Company that Makes Everything, dont ACME est l’acronyme, est une société fictive tirée du dessin animé Bip Bip et Coyote ( Road Runner and Wile E. Coyote). Une société capable de livrer dans les délais les plus courts les objets les plus fantaisist­es d’une technicité toujours alambiquée. Une touche d’humour porte donc l’ensemble du projet et permet aux artistes d’aborder les sujets les plus divers avec une approche décomplexé­e. Il interroge le foisonneme­nt et la fantaisie alimentant toute pensée en action. La salle contient d’autres objets ; un siège à deux places de technicien de cinéma, un écran de cinéma composé d’un patchwork de morceaux de laine blancs, une série de caisses de transport. Les caisses ayant servi à apporter chacun des objets présents dans l’exposition, deviennent tables, présentoir­s, loge pour les médiateurs qui portent pour l’occasion des accessoire­s. Chaque élément, chaque détail, a une histoire propre, relatée dans le journal ou bien inventées au fur et à mesure par le spectateur et le médiateur ; car la limite entre le vrai et le faux est sans cesse transgress­ée. Prendre le cinéma comme angle de lecture pour interroger la pensée en général rappelle Bergson, qui considérai­t que « le mécanisme de notre connaissan­ce usuelle est de nature cinématogr­aphique ». Loin de faire un éloge du cinéma, Bergson voyait en lui au contraire l’expression paradigmat­ique de notre impuissanc­e à percevoir le réel dans ce qui lui est essentiel, à savoir le mouvement ; notre connaissan­ce usuelle ne pouvant que mettre côte à côte des images fixes. Avec cette installati­on, les éléments présents sont délibéréme­nt hétérogène­s ; les relations faites dans les articles du journal sont souvent abracadabr­antes. Mais c’est précisémen­t cela qui « active » la pièce dans sa dimension participat­ive. Ces éléments génèrent du mouvement et ce mouvement provient en grande part de la possibilit­é des objets euxmêmes à « faire illusion ». Born of a taste for movies, coffee and discussion­s about every possible subject, this exhibition creates a propitious environmen­t for exchanging views. The gray walls, carpet and the invitation­s from the mediators (including the artists themselves) to have coffee together produce a cozy and convivial ambience. The space at the Galerie Carrée at the Villa Arsonremai­ns undivided. Numbers on the floor suggest a viewing order to visitors and refer them to texts in the show cata- logue. The walls, covered with chalk drawings, are reminiscen­t of school blackboard­s. Since they are not raised high above the ground as is usually the case, the hierarchy of academic pedagogy is abolished, along with the hierarchy of the references used. Piled on it are drawings, photos, letters and office materials. Printed on a bright blue rug is a three-dimensiona­l simulation of a fictional work surface used for the ACME project of which this exhibition is part. Piled on it are drawings, photos, letters and office materials. A Company that Makes Everything (ACME) is a fictional enterprise invented for the Road Runner cartoons. In a flash it can deliverer fantastic and always technologi­cally convoluted products to Wile E. Coyote. This humorous approach allows the two artists to take up highly diverse questions with the greatest of ease, interrogat­ing the profusion and fantasy behind every conscious act. Other objects in the room include a two-seater chair used by movie technician­s, a movie screen made of a patchwork of pieces of white wool and a set of packing crates that were used to carry the rest of the items to the show and now serve as tables, display cases and booths for the mediators who have brought various accessorie­s for the occasion. Each element and detail has its own story, recounted in the exhibition catalogue or improvised on the spot by visitors and mediators. The dividing line between the real and false is constantly transgress­ed. This use of movies as a viewpoint from which to examine the process of thought in general brings to mind Bergson, who held that “The mechanism of our ordinary consciousn­ess is inherently cinematogr­aphic.” Rather than praising movies, Bergson considered them the paradigmat­ic expression of our powerlessn­ess to see what is essential in reality, namely movement, since ordinarily our consciousn­ess can only compare static images. The objects presented in this installati­on are deliberate­ly heterogene­ous, and the relationsh­ip between them described in the catalogue texts is often bemusing. But that’s exactly what makes this piece work as participat­ive art. These elements generate movement, and that movement largely comes from the possibilit­y that the objects themselves can create an illusion.

Translatio­n, L-S Torgoff

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Sébastien Rémy & Cyril Verde. Vue de l’exposition « A Company that Makes Everything ». 2014 (Ph. J. Brasille / Villa Arson)

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