Structures de l’invisible
Fondation Vasarely / 22 octobre 2014 - 4 janvier 2015 Structures de l’invisible est une exposition coproduite par la fondation Vasarely et le musée Klovicevi Dvori de Zagreb. Elle s’inscrit dans une histoire : celle de l’op’ art dont Victor Vasarely fut une figure majeure, mais qui se développa aussi en Croatie par le biais des expositions Nouvelles Tendances au cours des années 1960. Les neuf artistes réunis, originaires principalement de France et de Croatie, partagent cet héritage par les dispositifs qu’ils proposent, ouverts à l’expérience du spectateur en relation à l’espace, à la lumière ou au son. Néanmoins, c’est une forme renouvelée de ces recherches qui émerge de cette exposition. L’écart par rapport aux oeuvres de l’op’art peut se percevoir dans l’installation de Marine Antony : des modules suspendus se meuvent en produisant un bruit continu lorsque le spectateur s’immobilise. Ici, ce n’est pas l’action mais la fixité qui active l’oeuvre, plaçant le spectateur dans une situation contemplative face à l’altérité d’un mouvement autonome et aléatoire. Les oeuvres présentées ne se rapportent pas à des effets d’illusions d’optiques, à un dysfonctionnement sensoriel ou à des procédés technico-scientifiques, mais à un questionnement de la perception du monde physique. Ainsi, elles nous confrontent à la relation entre les sens et la connaissance des phénomènes sensibles. Les oeuvres de Pierre Gallais interrogent directement ces liens. Son oeuvre Structure pour l’invisible s’apparente dans sa forme à une sculpture postminimaliste dont les éléments correspondent à une projection au sol d’une structure tridimensionnelle, modélisation spatiale d’une architecture imaginaire. Isabelle Sordage se concentre sur la possible traduction visuelle des sons, sous la forme d’empreintes sur des papiers qui prennent une dimension picturale. Or ces rapprochements picturaux ou sculpturaux, comme la simplicité matérielle, ne sont pas fortuits, ils correspondent au contraire aux enjeux de représentation au centre de ces démarches. Si elles oeuvrent toutes dans l’espace ouvert entre perception et réalité propre des phénomènes physiques, les représentations qu’elles produisent ont d’abord pour intérêt de ne pas refermer cet espace. Les dialogues des artistes avec les scientifiques qui accompagnent le projet de l’exposition participent de cette perspective. La place impor- tante qu’y occupent les mathématiques eu égard à leurs capacités de modélisation – ou de représentation – des phénomènes est révélatrice de cette rencontre entre deux méthodes de visualisation du monde. Des projections lumineuses de Martina Kramer – aussi commissaire de l’exposition – reprennent la forme d’une structure de Roger Penrose. Ce mathématicien inventa ces structures comme un jeu d’esprit avant qu’on ne les retrouve, au cours des années 1980, dans des cristaux. À travers cette forme symbolique, la représentation établit donc un lien mystérieux entre une construction mathématique et une matière à laquelle elle donne forme. The exhibition Structures de l'invisible was coproduced by the Vasarely foundation and the Klovicevi Dvori museum in Zagreb. Its historic reference is the Op Art movement. Victor Vasarely was a major figure of that movement in France, but it also developed in Croatia thanks to the New Tendencies shows during the 1960s. Most of the nine artists featured in this show were born in France or Croatia, and their adherence to this heritage is evident in their concern for viewers’ experience of space, light and sound. But rather than looking backward, this show represents a renewal of that approach. The distinction between this work and Op Art is clear enough in the installation by Marine Antony in which suspend modules move and make noise when visitors stand still. What activates the piece is not action but immobility, thus obliging visitors to adopt a contemplative mode in the face of the alterity of an autonomous and aleatory movement. These works do not produce optical illusions, disorient our senses or have anything to do with technology and science. They question our perception of the physical world and thus confront us with the relationship between our senses and our knowledge of per- ceptual phenomena. Pierre Gallais’ work directly interrogates these links. His piece Structure pour l'invisible is shaped like a Postminimalist sculpture but its elements correspond to a floor projection of a three-dimensional structure, a spatial modelization of an imaginary building. Isabelle Sordage focuses on the possible transcription of sounds in the form of imprints on paper that acquire a painterly dimension. These comparisons with painting and sculpture and the material simplicity involved are not fortuitous; on the contrary, they correspond to the representational issues that are at the heart of these artists’ concerns. While they all operate in the open space between our perception and the reality of physical phenomena, what is important about the representations they produce is that they do not close this space. The conversations between the artists and scientists that accompany this project is similar in that sense. The importance given to mathematics as a way of modeling—or representing—phenomena speaks volumes about this meeting of two methods for visualizing the world. Light projections by Martina Kramer—also the show’s curator— produce a Penrose pattern. That mathematician invented these tiled structures as a mind game before they were discovered in crystals in the 1980s. Symbolically, therefore, this representation mysteriously links a mathematical construction and the matter that takes that form.
Translation, L-S Torgoff