Art Press

Collection abcd / Bruno Decharme

- Anaël Pigeat

La Maison rouge / 18 octobre 2014 - 18 janvier 2015 L’exposition de la collection abcd / Bruno Decharme est l’une des plus belles réussites de l’automne parisien. On y découvre la meilleure part des oeuvres d’art brut rassemblée­s depuis trente ans par cet ancien assistant de Jacques Tati et cinéaste documentai­re. Bruno Decharme est aussi le créateur du laboratoir­e de recherche abcd (art brut connaissan­ce et diffusion) à Montreuil, qui constitue une sorte de hors-champ à l’exposition. Offert comme un lieu de dérive mentale, le parcours s’impose au regard comme une exposition de collection­neur. D’ailleurs Bruno Decharme a invité Antoine de Galbert à en concevoir le parcours avec lui ; leur entente à demi-mot se perçoit dans l’harmonie de l’accrochage comme dans l’entretien qu’ils ont mené avec Paula Aisemberg pour le catalogue. Antoine de Galbert y affirme qu’« il ne peut pas y avoir d’histoire de l’art brut comme il y a une histoire de l’art ». Et Bruno Decharme d’ajouter qu’il n’y a pas d’art brut sans collection, ni sans collection­neurs. C’est cette déterminat­ion et cet engagement que l’on éprouve dans l’exposition. Douze thèmes se succèdent, comme « À l’origine le chaos », « Ricochets solaires », « Jeux de langage »… Le visiteur déambule dans des espaces labyrinthi­ques remarquabl­ement conçus, tantôt intimes tantôt ouverts. Des salles thématique­s sont ponctuées par des espaces monographi­ques qui permettent de mettre l’accent sur quelques artistes en particulie­r : Anna Zemankova, Carlo Zinelli, Lubos Plny… Il y a aussi des salles qui font dialoguer des artistes par deux ou trois, comme celle qui rapproche les architectu­res peintes d’Augustin Lesage et les constructi­ons en pièces de machines à écrire et autres transistor­s d’ACM, ou bien encore la salle qui réunit des dessins de Wölfli (le premier travail que Bruno Decharme ait acheté), de grandes oeuvres d’Aloïse et d’autres de Janko Domsic, un artiste bien moins connu que ses illustres voisins. L’exposition réserve de belles découverte­s comme les sculptures en céramique du Japonais Hideaki Yoshikawa. Elle compte aussi des objets qui ne sont en général pas considérés comme des oeuvres d’art, par exemple la magnifique série d’ex-voto du Brésil qui ressemble à des sculptures modernes. De certaines oeuvres, comme un dessin anonyme autrichien au début de l’exposition, on s’approche à quelques centimètre­s, tant leur minutie obsessionn­elle mérite d’être observée de près ; d’autres au contraire ont la force de monuments oniriques, comme la flotte d’aviation en carton de Hans-Jörg Georgi, une ville suspendue aux bâtiments cabossés, où l’on pourra se réfugier dans les airs quand arrivera la fin du monde. Les hiérarchie­s sont ici abolies pour faire ressortir ce que ces oeuvres, dans leur très grande diversité, semblent souvent avoir en commun : des tentatives de bâtir des systèmes pour sauver ou pour expliquer le monde. Comme le souligne encore Bruno Decharme, ce sont des réceptacle­s de nos doutes et de nos incertitud­es. En raison des thèmes abordés et des points de vue adoptés, ce sont aussi des caisses de résonance pour la création contempora­ine. This exhibition of the abcd/Bruno Decharme collection is one of the finest shows seen in Paris this autumn. It features the best art brut pieces assembled over thirty years by this former assistant to Jacques Tati and documentar­y filmmaker. Bruno Decharme also founded the Laboratoir­e de Recherche abcd (art brut connaissan­ce et diffusion) in Montreuil, which is the matrix from which this show emerged. It is suggested that visitors let their minds wander as they drift through the show whose object is the vision of the collector himself. Further, Decharme invited Maison Rouge proprietor Antoine de Galbert to work with him on the show’s display layout, and their instinctiv­e mutual understand­ing is apparent in the overall harmony of the hanging and the joint interview they did with Paula Aisemberg for the catalogue, where Galbert says, “I don’t think it’s possible to have a history of art brut the way we do a history of art,” and Decharme adds that outsider art would not exist without collection­s and collectors. The show is marked by that determinat­ion and engagement. It is divided into a dozen chapters with headings like, “In the beginning was chaos,” “Ricochetin­g sunbeams” and “language games.” The labyrinthi­ne spaces are remarkably conceived, some intimate and others open. Interspers­ed among the thematic rooms are monographi­c spaces that make it possible to foreground particular artists like Anna Zemankova, Carlo Zinelli and Lubos Plny. In other spaces two or three artists enter into a conversati­on—for instance, the painted structures of Augustin Lesage and ACM’s constructi­ons built from typewriter parts and transistor­s, and the dialogue between the drawings of Wölfli (the first work Decharme bought), Aloïse’s big pieces and those of Janko Domsic, an artist much less known than his illustriou­s neighbors. There are some excellent discoverie­s, too, such as the ceramic sculptures of Japanese artist Hideak Yoshikawa. The show also includes objects not usually considered artworks, like the magnificen­t series of Brazilian ex-votos that look like modern sculpture. The obsessive details in some pieces need to be looked at closely, like the anonymous Austrian drawing at the beginning of the exhibition; others, on the contrary, have the power of oneiric monuments like Hans-Jörg Georgi’s fleet of cardboard airplanes, a suspended city of dented airships where one could find refuge aloft when the end of the world comes. Here hierarchie­s are abolished to bring out what these highly diverse pieces seem to have in common—they are all attempts to construct some system to explain or save the world. As Decharme emphasizes, they are receptacle­s for our doubts and uncertaint­ies. The subjects they take up and the viewpoints they adopt also make them sounding boards for contempora­ry art..

Translatio­n, L-S Torgoff

 ??  ?? Vue de l’exposition. (Ph. M. Domage). Exhibition view
Vue de l’exposition. (Ph. M. Domage). Exhibition view

Newspapers in English

Newspapers from France