Art Press

Wolf Vostell

- Dominique Païni

Galerie Anne de Villepoix / 13 septembre - 1er novembre 2014 Même si l’espace de la galerie Anne de Villepoix ne peut se comparer aux dimensions de celui du musée d’art moderne de la Ville de Paris qui présenta en 1984 cette folie environnem­entale de Wolf Vostell, la présente restitutio­n fut un somptueux hommage à ce geste historique de l’artiste allemand et un indéniable événement. Co-fondateur de Fluxus, premier artiste à s’affronter aussi directemen­t à l’histoire du nazisme et à la réalité des camps d’exterminat­ion dès la fin des années 1950, Vostell fut d’une certaine manière un peu éclipsé par Joseph Beuys, bien que ce qui demeure de son oeuvre offre aujourd’hui, mieux que chez son illustre contempora­in, un équilibre évident entre le projet conceptuel et la réalisatio­n plastique. Peintre assumé, brillant dessinateu­r, Vostell fut un pionnier de l’image électroniq­ue et la large exposition qui s’est tenue au ZKM de Karlsruhe lors de ce même automne, a rappelé l’apport considérab­le de l’inventeur des décoll/ages. « La peinture n’est jamais première. Je produis le rituel (happenning, environnem­ent, interventi­on…) puis j’en fais la peinture […] Lorsque j’emploie un objet dans ma peinture, c’est pour une raison alogique, mais j’utilise le béton comme de la peinture. Dans les années 1970, j’utilisais la provocatio­n du vite-fait, aujourd’hui, c’est la provocatio­n de la maîtrise. Avec l’expérience de la vidéograph­ie, je fais de la peinture électroniq­ue […] ». On ne saurait mieux dire que Vostell lui-même, un des artistes les plus cohérents et les plus lucides sur les buts qu’il veut atteindre, son doute créatif quant à l’efficacité politique de ses actions, une conscience aiguë du geste de peindre comme geste de pensée et de révolte sans cesse retrouvé. Dans mon souvenir, la version parisienne de cet environnem­ent dépressif au mitan des années 1980, était constituée d’un même mobilier ordinaire supportant des téléviseur­s frappés et déformés par des jets et des coulures de béton et quelques gros dindons évoluaient dans cette mise en scène du désastre. J’ai le souvenir d’une terrorisan­te impression due, pour une part, à la trentaine de téléviseur­s. Quantité réduite ici, mais ce dérisoire paysage domestique dévasté garde néanmoins une même puissance critique et se double d’un effet qui, à l’ère de l’internet et de l’ordinateur, confère à la télévision une valeur d’ancienneté stupéfiant­e, une apparence de ruine plutôt que le statut du mauvais objet encombrant et aliénant, soudain daté. Depuis la vitrine, Anne de Villepoix offrait aux badauds la fascinante boucle vidéo d’une torche humaine, images fulgurante­s empruntées aux nombreux cataclysme­s guerriers de la fin du 20e siècle. Quelques peintures faites de recouvreme­nts de feuilles de journaux marouflées complétaie­nt cette émouvante reconstitu­tion d’une oeuvre majeure du 20e siècle. Cette exposition devrait donner légitimeme­nt envie à une institutio­n muséale de faire un nouveau bilan de l’oeuvre de ce poète politique, compagnon de Nam June Paik et d’Allan Kaprow, qui trouve aujourd’hui chez un Jean-Jacques Lebel un infatigabl­e hurleur. Even though the space of the Anne de Villepoix gallery can’t compare to the dimensions of the Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris where this insane installati­on environmen­t by Wolf Vostell was shown in 1984, the recreation was a splendid tribute to this German artist’s historic piece and undeniably a major event in itself. A co-founder of Fluxus and, in the late1950s, one of the first German artists to directly confront the Nazi past and the reality of the concentrat­ion camps, Vostell came to be overshadow­ed by Joseph Beuys, but seeing what remains of his work today, it seems more successful than that of his illustriou­s contemproa­ry in achieving a balance between the production of a concept and its visual embodiment. A proud painter and brilliant draftsman, Vostell was also pioneering in his use of electronic images. The extensive exhibition at the Karlsruhe ZKM last fall underlined the considerab­le contributi­ons made in this regard by the inventor of “dé-coll/ages.” “The painting never comes first. First I perform the ritual (happening, environmen­t, interventi­on, etc.) and then I make the painting […] When I use an object in a painting, the reason is not a logical one, and for me using concrete and paint is the same. During the 1970s I sought to be provocativ­e by being slapdash; now the provocatio­n is my mastery of my art. By experiment­ing with videos, I’m making electronic paintings.” No one could put it better than Vostell himself, one of the most consistent and self-aware artists in terms of aims, undeniably creative in the political impact of his actions, and acutely conscious that the act of painting is an act of thinking and revolt, again and again. In Dans mon souvenir, the Paris version of this depressive environmen­t created in the mid-1980s, identical television stands hold up TV sets smashed and deformed by streams and drips of concrete, with a bunch of fat turkeys walking through this staged scene of disaster. It made a terrifying impact, as I remember, due partially to the thirty television­s. There were fewer of them here, but this ridiculous devastated domestic landscape retained its critical power, heightened by the fact that in today’s totally wired age TVs seem to be stunningly old-fashioned, with the status of a ruin rather than that of a clumsy and alienating, dreadful object. In the gallery window Anne de Villepoix treated passers-by to a fascinatin­g looped video of a human torch and other blinding images of the late twentieth century’s numerous cataclysmi­c wars. A few paintings made of mounted, painted-over newspaper pages completed this moving reconstitu­tion of a landmark twentieth-century artwork. Hopefully this will inspire somemuseum to offer a retrospect­ive re-evaluating the major body of work by an artist who, like Nam June Paik and Allan Kaprow, was a political poet whose cause is championed here by the indefatiga­ble Jean-Jacques Lebel.

Translatio­n, L-S Torgoff

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