Paul McCarthy
La Monnaie de Paris / 18 octobre 2014 - 5 janvier 2015 On a beaucoup parlé de Tree, l’oeuvre de Paul McCarthy qui a été installée puis vandalisée place Vendôme quelques jours avant l’ouverture de la Fiac. On a moins parlé de l’excellente exposition qui a lancé, quelques jours plus tard, le programme de Chiara Parisi à la nouvelle Monnaie de Paris (cf. artpress 416). Montré pour la première fois à Paris avec une telle ampleur, Paul McCarthy a adapté sa Chocolate Factory qui avait été présentée en 2007 à la galerie Maccarone de New York dans une version différente. Cette exposition résonne étonnamment avec l’histoire du lieu, la plus ancienne usine à Paris. Dans l’escalier, le visiteur est accueilli par le bruit d’une soufflerie qui alimente une forêt de sculptures gonflables multicolores monumentales – arbres ou sex toys, l’interprétation est libre. Alors que l’odeur de chocolat commence à se faire sentir, on décèle dans cette parodie de forêt enchantée la critique d’une Amérique infantilisée par la toute puissante société de consommation. Puis, à partir de cette « tête » de l’exposition, se déroule son long « corps », déployé horizontalement le long de la Seine dans une enfilade de salons du 18e siècle. On entre alors dans le coeur de l’exposition, où sont fabriqués les pères Noël en chocolat, à l’intérieur d’une structure en contreplaqué qui ressemble à un décor de cinéma et qui contraste avec les ors du salon Guillaume Dupré. Comme Étant donnés : 1- la chute d’eau 2- le gaz d’eclairage de Marcel Duchamp, comme d’autres oeuvres de McCarthy, c’est de l’extérieur qu’il faut regarder ce qui se passe. Des performers chocolatiers en perruques Disney remplissent ensuite des chariots entiers de Santa et de Tree en chocolat qu'ils conduisent vers la suite de l’exposition. L’espace sera progressivement envahi de figurines – si toutefois les visiteurs gourmands et indélicats ne sont pas trop nombreux à les manger. Paul McCarthy a fabriqué une machine célibataire à désir et à désordre, une broyeuse de chocolat qui s’emballe, conçue pour produire à la fois trop et rien. Le succès de l’exposition réside surtout dans la manière dont McCarthy a transformé son projet du tout au tout, quelques jours avant l’ouverture, en y intégrant l’agression dont il a fait l’objet place Vendôme : il a créé une série de vidéos qui recouvrent l’espace d’exposition, se reflètent dans des miroirs ou donnent l’illusion d’un reflet à travers un espace vide au dessus d'une cheminée. Elles sont toujours projetées par paires ; l’idée du dédoublement est ici essentielle. On y voit l’artiste écrire frénétiquement les propos de son agresseur : « You fucking stupid American. Are you the artist ? ». Un grommellement dont l’intensité augmente au fur et à mesure qu’on avance dans l’exposition accentue l’impression de transe qui se dégage de l’ensemble. Avec cette Chocolate Factory, McCarthy invite à un voyage onirique – quelques lits sont d’ailleurs installés dans une des salles d’exposition laissée en chantier. Qu’estce que l’art ? Qu’est-ce qu’être un artiste ? Telles sont aussi les questions qu’il soulève, celles des avant-gardes avant lui. La figure du patriarche, autoportrait de l’artiste que l’on reconnaît dans les Santa en chocolat, est rendue plus abstraite et plus forte. L’usage du chocolat, du ketchup ou de la mayonnaise est aussi une manière d’explorer le mystère de l’humain. There was, of course, a great deal of talk about Tree, the giant buttplug-ish object placed by Paul McCarthy on Place Vendôme a few days before the opening of the FIAC, and vandalized by the outraged. Less has been said about the fine show—the artist’s first in the city on this scale—opened shortly afterwards at the Monnaie de Paris, inaugurating the artistic program put in place there by Chiara Parisi.( artpress 416) Featuring a new version of the Chocolate Factory originally shown at the Maccarone gallery in New York in 2007, it resonates remarkably with its Parisian setting, which is the oldest factory in Paris. In the stairway, visitors hear the sound of the wind machines filling a forest of monumental inflatable sculptures in party colors. Call them trees, call them sex toys, whatever. The smell of chocolate reaches the nostrils, and one senses that this parody of a magic forest is a critique of an America infantilized by consumerism. This is the “head” of the exhibition. The “body” is laid out horizontally along the enfilade of eighteenthcentury rooms that stretches alongside the Seine. Here we find the plywood structure where the chocolate Father Christmases are made. A bit like a film set, it contrasts with the lavish gilding of the host salon by Guillaume Dupré. Like Duchamp’s Given, like other works by McCarthy himself, you have to look in from outside. Chocolatier performers in Disney wigs then fill carts with chocolate Santas and Trees which they transport to the next part of the exhibition. The space will gradually fill up—unless the more sweet-toothed visitors get carried away and eat the figurines. McCarthy has made a bachelor machine that works on desire and disorder, a chocolate grinder that is out of control, designed to produce both too much and nothing. The success of the show lies, above all, in the way McCarthy has transformed his project, taking on board the aggression on Place Vendôme. He has created a series of videos that cover the exhibition space, their reflections in mirrors giving the illusion that they are being seen across an empty space above a fireplace. They are always projected in pairs: the idea of duplication is essential here. In one of them we see McCarthy frantically writing the words graffitied by one aggressor: “You fucking stupid American. Are you the artist?” A rumbling that grows louder as we go deeper into the exhibition heightens the trance-like effect of the ensemble. Chocolate Factory is a kind of dream journey—indeed, beds have been laid out in one of the rooms, still seemingly in process. The installation also asks the perennial questions about what art is and what being an artist means. The figure of the patriarch, the self-portrait that we recognize in the chocolate Santas, is made more abstract, and more powerful. With McCarthy, chocolate, ketchup or mayonnaise are all mediums for exploring the mystery of being human.
Translation, C. Penwarden