Art Press

Pierre Paulin L’homme et l’oeuvre

- Ingrid Luquet-Gad

Albin Michel Avec ses sièges de mousse dont il arrondit les formes et gomme la structure porteuse, Pierre Paulin a ponctué le paysage visuel français de touches colorées franches et pop : depuis les appartemen­ts privés de l’Élysées (Georges Pompidou et François Mitterrand feront appel à lui) jusqu’au hall de départ TGV de la gare de Lyon. Dans le sillage de sa disparitio­n en 2009, rétrospect­ives et publicatio­ns se sont multipliée­s, comblant un manque de documentat­ion sur celui « dont les oeuvres sont plus connues que le nom ». Or si l’imposante monographi­e sous la direction de Catherine Geel (2008) faisait oeuvre de catalogue raisonné, Nadine Descendre délaisse l’inventaire et choisit de se pencher sur l’homme. C’est sous le signe de l’« artiste à son corps défendant » qu’est placé le texte, un parti pris qui étonne lorsque l’on sait que, tout au long de sa vie, Paulin se sera évertué à ménager au design une place séparée de l’art. En 2007, à l’évocation de l’admiration que lui portent les designers Ronan et Erwan Bouroullec – lesquels se considèren­t comme artistes – il est sans appel : « Entre l’art et le design, il y a une grande marge: ça n’a pas de rapport. » C’est cet entre-deux qu’explore l’iconograph­ie du volume, riche et en grande partie inédite. Tirés des archives du designer, les dessins préparatoi­res d’une grande légèreté montrent les objets comme de larges aplats de couleur qui semblent flotter dans le plan, soustraits à leur fonction autant qu’à la gravité. Ils sont complétés par une série de photograph­ies inédites de Benjamin Chelly, qui traite les objets comme des sculptures abstraites, et nous rappelle que le design peut, en luimême et pour lui-même, devenir affaire d’interpréta­tion. C’est même la condition de son intemporal­ité.

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