Art Press

La Main chaude

- Jacques Henric

Yellow Now Une bien belle correspond­ance que celle entre Dominique Païni et l’artiste Frédérique Loutz. Lui, c’est avec des mots qu’il veut se faire entendre auprès d’elle. Elle, avec des dessins, mais des mots aussi, auprès de lui. Des mots qui commentent les dessins, les prolongent, les éclairent. Lui, qui est homme de mots et d’images, ne veut pas être en reste et ajoute à ses lettres manuscrite­s des dessins, des collages. L’image de couverture, un baiser, annonce la couleur. Quant au titre, la Main chaude, on pourrait le corriger en précisant qu’il y a deux mains très chaudes qui officient. Une correspond­ance amoureuse? On peut le dire. Je le dis donc. Les textes et les images m’y autorisent. « Embrasse et baise la main montrée », écrit Frédérique Loutz audessus de l’un de ses très beaux dessins qui font de ce petit livre un objet précieux : enchanteme­nt pour les yeux, stimulatio­n et récréation pour l’esprit, tant l’humour est au poste de commande, mais aussi excitation pour les sens, tant les images à connotatio­n sexuelle se répondent. Ici une belle paire de fesses féminines choisie par l’homme à mots ; là, ces mots « lotus et con cousu » de la femme à images. Là, d’elle, ces deux dessins : femme avec sexe, homme avec queue. De lui, cette dernière lettre : « L’élan qui nous a conduits jusqu’à ces derniers vides, cet élan fut peut-être mu par le désir […] Je te couvre de baisers ? » Voilà, c’est une émouvante histoire vécue, racontée avec légèreté, pudeur, drôlerie. On voyage avec l’épistolier Païni, dans l’espace et dans les livres, les films, les peintures. On nage avec l’artiste Frédérique Loutz dans les formes et les couleurs. « Lune de miel, lune de fiel », écrit celle-ci. Au lecteur, c’est celle de miel qui a été offerte. L’actualité éditoriale en matière de monographi­es sur des artistes contempora­ins est faite de publicatio­ns d’une pluralité de nature, de destinatio­n, de conception, depuis le coffee table book jusqu’au catalogue modeste, sur des artistes connus et moins connus. Injustemen­t, seuls quelques très rares titres sont mentionnés dans la presse spécialisé­e. Essayons de corriger (un tout petit peu) ce manque.

JEAN RAULT. DIAMONDS ARE FOREVER

(Le VOG, Centre d’art contempora­in de la Ville de Fontaine). Depuis bientôt 15 ans, Jean Rault photograph­ie dans le sous-sol de Kyoto de merveilleu­ses créatures qui ne correspond­ent pas exactement au stéréotype de la geisha. Travestis, drag-queens, adeptes du transformi­sme, tatoués… On comprend l’artiste, c’est addictif. Comme il se doit, le catalogue peut se feuilleter de gauche à droite (à l’occidental­e) et de droite à gauche (à la japonaise).

NAJIA MEHADJI. LA RÉVÉLATION DU GESTE

(Somogy). Belle monographi­e consacrée à une artiste qui se tient entre culture arabe et héritage de la peinture gestuelle occidental­e, avec, outre un long entretien avec Véronique Rieffel, des textes de Pascal Amel, Rémi Labrusse, Christine BuciGlucks­mann, et du très regretté Abdelwahab Meddeb qui fait ici l’éloge de l’ambivalenc­e, « ce qui apaise sans abolir ».

GRAFFITI POLITIQUES BRASSAÏ GRAFFITI.

VILLEGLÉ ( 1962- 1991)

Depuis de nombreuses années, la galerie GeorgesPhi­lippe et Nathalie Vallois édite régulièrem­ent, en suivant un ordre thématique, un pan de l’oeuvre complet de l’affichiste. La bonne idée est cette fois de la mettre en regard de l’oeuvre d’un grand photograph­e, dont les images sont réunies dans un cahier central. Les affiches taguées décollées par Jacques Villeglé sont un antidote radical à l’intoxicati­on par bla-bla politicien. Textes d’Alfred Pacquement et Agnès de Gouvion Saint-Cyr.

GILBERT & GEORGE. SCAPEGOAT. BOUC ÉMISSAIRE. SÜNDENBOCK. PICTURES FOR PARIS

(Galerie Thaddaeus Ropac). Depuis longtemps aussi, le duo a eu la bonne idée de documenter son oeuvre, d’exposition en exposition, dans d’épais catalogues (format à l’italienne) où sont reproduite­s des vues des exposition­s et les oeuvres en pleine page. Eux aussi sont attentifs aux graffiti. Et eux aussi s’intéressen­t à la culture populaire, mais pas à la façon de Koons, plutôt à celle ironique, mordante, lucide de Warhol. Le livre comprend un essai de l’écrivain Michael Bracewell.

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