La Folie de l’art brut
Séguier D’un objet d’étude que l’on souhaite maintenir dans son altérité, que dire? Que dire, afin d’éviter que l’exercice ne se mue en théologie apophatique, et dans le même temps, préserver un horizon critique, celui-là même qui ouvre des questionnements et taille dans le mouvant ? En prenant pour sujet l’art brut, Roxana Azimi s’attaque à un corpus dont le spectre formel est aussi étendu qu’il comporte de créateurs. Pour autant, la Folie de l’art brut ne cherche pas à en déplier la doublure intime et singulière. Car c’est de sa réception par l’art contemporain dont il sera question. La voilà, la folie véritable : l’« emballement inédit, presque affolé, pour les marges » de celui-là pour celui-ci. L’ouvrage ne fait pas l’économie de la nécessaire définition de l’art brut : il s’ouvre par une citation de Jean Dubuffet qui, d’emblée, théorisant le « brut » en 1945, le plaça en tension avec les « arts culturels ». De fait, écrire sur l’art brut revient toujours, peu ou prou, à prendre position par rapport aux définitions existantes. Mais l’auteure se garde bien de conclure, préférant ouvrir des pistes, pluraliser le discours, restituer la polyphonie de voix discordantes ; insérées dans le corps du texte ou traitées comme un encart séparé. Le texte bruit de voix multiples. Collectionneurs (Bruno Decharme, James Brett), commissaires (Jean de Loisy, Catherine Grenier, Ralph Rugoff), critiques (Adrian Searle, Alain Berland), galeristes (Aline Vidal, Susanne Zander), artistes – contemporains (Christian Boltanski) ou « bruts » (Michel Nedjar). Pas d’élucidations donc, mais un tour d’horizon exhaustif qui fait sortir de l’ombre une ancienne « zone interdite », que le galeriste Christian Berst, à qui revient la synthèse finale, qualifie joliment de « zone d’ébranlement conceptuel ».