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La Boîte à lettres

- Catherine Millet

Robert Laffont/France Culture Sous-titré Les plus belles lettres manuscrite­s de Voltaire à Édith Piaf, l’ouvrage réunit toutes sortes de documents, amoureux, familiaux, mondains ou profession­nels, conservés au musée des Lettres et Manuscrits. On croit d’abord qu’on va s’y promener selon ses affections littéraire­s ou ses intérêts intellectu­els, et puis on se retrouve le lisant de bout en bout dans l’enchaîneme­nt chronologi­que des auteurs. Car le choix est si judicieuse­ment fait qu’il semble parfois qu’on ne lise qu’un seul et même récit. Ainsi, le marquis de Sade, qui du fond d’un cachot de la Bastille revendique énergiquem­ent son autorité sur l’éducation de son fils, fait suite à Diderot faisant ses recommanda­tions toutes paternelle­s à une jeune protégée. Ainsi, le récit de la mort de LouisXVI par un provincial à Paris précède-t-il la lettre de condoléanc­es que Robespierr­e, qui vient d’apprendre le décès de l’épouse de Danton, adresse à ce dernier. « Incroyable lettre », prévient Cécile Guilbert. Robespierr­e déclare à Danton: « Je t’aime plus que jamais et jusqu’à la mort. » On pourra comparer le rêve érotique de Géricault à la belle obscénité de Maupassant. Pour ma part, c’est la pornograph­ie imagée d’Apollinair­e que je préfère, glissée à la suite d’une anecdote atroce des tranchées. Pierre Curie demande à ce que le Nobel soit partagé entre sa femme et lui ; Françoise Giroud envoie (respectueu­sement) promener Sartre qui a fait savoir dans Paris à quel point il était furieux du portrait que la journalist­e avait fait paraître de lui. Toutes les lettres sont reproduite­s en fac-similé à la suite de leur transcript­ion qui respecte l’orthograph­e, ancienne ou fautive. Cécile Guilbert les avait lues sur France Culture pendant les étés 2013 et 2014. Elle les présente une à une dans ce recueil.

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