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EXPOSITION­S/ REVIEWS

- Julie Crenn

10 Mariana Castillo Deball 11 Personal Cuts. Art à Zagreb de 1950 à nos jours 12 Erró 14 Sébastien Rémy, Cyril Verde 15 Structures de l’invisible 16 Les Malassis : une coopérativ­e de peintres toxiques (1968-1981) 17 Lux 18 John Smith 19 David Maljkovic 20 Mark Lewis 22 Le Maroc contempora­in 22 Stanislaw Ignacy Witkiewicz 24 Au-delà de l’image 26 Collection abcd / Bruno Decharme 27 Wolf Vostell 28 Paul McCarthy 30 Présence Panchounet­te

Musée des beaux-arts / 18 octobre 2014 - 8 février 2015 La Coopérativ­e des Malassis naît dans un contexte politique, social et artistique en pleine mutation. Actif entre 1968 et 1981, le groupe est formé de cinq artistes : Henri Cueco, Lucien Fleury, Jean-Claude Latil, Michel Parré et Gérard Tisserand. Le musée des beaux-arts de Dole leur consacre une exposition rétrospect­ive. Accompagné­e d’un colloque et d’un ouvrage complet (l’Échappée), l’exposition apparaît comme un moment important et presque inédit de reconnaiss­ance du groupe. Par la peinture, ces artistes ont mis en avant un discours politique et critique porté à l’encontre de la société de consommati­on, de la « nouvelle société » promise par Jacques Chaban-Delmas, de la répression sexuelle, du système éducatif et de l’argent. Issue des débats et des réflexions menés par les acteurs de la Jeune Peinture, la Coopérativ­e des Malassis s’inscrit en rupture avec le formalisme de l’École de Paris, avec l’abstractio­n et le Salon de Mai. Ils ont ainsi produit une peinture militante et anti-marché puisque leurs oeuvres pouvaient être louées, et non achetées. Leurs formats monumentau­x et encombrant­s attestent de leur refus catégoriqu­e d’une peinture destinée aux appartemen­ts bourgeois. À Dole, le Grand Méchoui, une peinture de 65 mètres de long, serpente dans les espaces du musée. Réalisée dans le cadre de l’exposi- tion 60-72 : douze ans d’art contempora­in en France au Grand Palais, l’oeuvre est une critique acerbe de la Ve République et le reflet des désillusio­ns de Mai 1968. Les artistes y décryptent les mensonges, l’hypocrisie et la manipulati­on. Le jour du vernissage, parce que les CRS chargent des manifestan­ts, les Malassis décident de décrocher le Grand Méchoui, transforma­nt ainsi les peintures en boucliers. Les oeuvres apparaisse­nt comme des réactions sans compromis contre la politique culturelle en cours et le gouverneme­nt. Ainsi, l’Appartemen­songe (1971) est une réponse au premier degré à Serge Dassault qui avait publiqueme­nt exprimé le souhait que soit inventé un « style Ve République » . Les artistes ont ainsi conçu un F3 où la société de consommati­on triomphe sur l’individu. Les peintures, toujours de grands panneaux, regorgent de citations, de symboles et de messages. Du point de vue plastique, elles génèrent une esthétique de type narratif, nourrie d’une imagerie populaire, lisible et compréhens­ible par tous. Les Malassis utilisent des aplats de couleurs primaires et procèdent à une simplifica­tion des formes et des figures. Au fil des production­s, un vocabulair­e est construit : la croix de Lorraine pour dénoncer le gaullisme, les rats symbolisan­t les capitalist­es, les moutons pour le peuple, ainsi que les ali- ments pour attaquer l’aveuglemen­t des consommate­urs. L’exposition donne une visibilité nécessaire à un groupe d’artistes engagés encore trop méconnu. Le corpus de leurs oeuvres atteste d’une vitalité critique réjouissan­te qui fait trop souvent défaut à la création actuelle. Active between 1968 and 1981, comprising the artists Henri Cueco, Lucien Fleury, Jean-Claude Latil, Michel Parré and Gérard Tisserand, the Coopérativ­e des Malassis emerged in a political context cha-

at the Grand Palais, the work is an acerbic critique of the Fifth Republic and a reflection of post-1968 disillusio­n which points up the period’s lies, hypocrisy and manipulati­on. Because CRS riot police charged demonstrat­ors outside the exhibition on opening day, the Malassis took down Le Grand Méchoui, transformi­ng their paintings into shields. Their works embody an uncompromi­sing attack on the government’s cultural policies. For example, L’Appartemen­songe (1971) is a literal response to Serge Dassault, who publicly called for the creation of a “Fifth Republic style.” The artists conceived a three-room apartment in which consumer society triumphed over the individual. These paintings— again, large-format works—are packed with quotations, symbols and messages. Visually speaking, the aesthetic is narrative, informed by popular imagery that is accessible to all. Forms were simplified, colors in broad swaths. The works built up a vocabulary in which the Cross of Lorraine served to denounce Gaullism, rats symbolized capitalist­s, sheep figured the people, and food satirized the blindness of consumers. This exhibition puts a welcome spotlight on these artists who remain little known. Their works have a stimulatin­g critical vitality that is too often lacking in today’s art.

Translatio­n, C. Penwarden

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Ci-dessus et ci-dessous/ above and below: « L’appartemen­songe ». 1971 (Ph. J.-L. Mathieu)

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