Ramuntcho Matta acrobatiques improvisations.
Impovisational Acrobatics.
Improviser est le maître mot de la vie et de la pratique de RamuntchoMatta. Improviser et observer. Originaire d’Amérique du Sud, il en a gardé l’éclat des codex aztèques. Il sait également être à l’écoute, qualité qui confère une vertu presque curative à ses dessins. À voir sur le stand de la galerie Anne Barrault.
Ramuntcho Matta est à la fois musicien et plasticien. Il partage ces deux activités à temps équivalent. Son goût pour le traitement en « haïku » se ressent très nettement dans ses dessins et dans ses compositions musicales. Mais le plus remarquable, c’est son sens et son talent particulier pour l’improvisation, musicalement et graphiquement. Le seul artiste, à ma connaissance, qui possède aussi viscéralement ce sens de la chose improvisée, c’est Robert Combas. Et comme par hasard, Robert Combas est également musicien. Tout, chez Ramuntcho Matta, relève de l’improvisation : un rendez-vous, le contenu d’une réunion ou l’élaboration d’un ouvrage. Ayant réalisé son livre l’Usage du temps (1), j’ai pu expérimenter cet art de vivre à la minute qui vient. C’est décapant et surtout très vivifiant. C’est une excellente technique pour se tenir en éveil, pour ne pas rater les fulgurances qui s’invitent dans le fil de la pensée. La richesse de cet art de l’imprévu s’illustre magnifiquement dans les films de John Cassavetes, habités par la vie, les humeurs, l’émotion, l’humanité, la générosité. Pour l’Usage du temps, tout s’est fait au fil du temps, justement. L’échange de messages électroniques, colonne vertébrale de l’ouvrage, a engendré les oeuvres à reproduire sans qu’aucun plan sur la comète n’ait été tiré auparavant. Ce qui demande une maîtrise mentale et une sérénité proche de celles que requièrent les arts martiaux. Deux ou trois présentations de cet ouvrage ont été programmées à sa sortie. Ramuntcho et son complice multi-instrumentiste Simon Spang-Hanssen se présentaient sur l’es- trade avec trois ou quatre instruments chacun et improvisaient sur des thèmes hybrides de blues, de free-jazz, de musique expérimentale, parfois chantés. Le tout entrecoupé de discussiosn à bâtons rompus sur l’usage du temps. Rien, absolument rien n’était préparé, et le résultat aurait pu être désastreux sans compter sur cet état de grâce que Ramuntcho Matta installe instinctivement. Une bonne partie de l’assistance venait d’ailleurs le remercier avec beaucoup de chaleur. « L’improvisation, c’est une rigueur quotidienne d’écoute, d’observation et de pratique afin de saisir la sève de l’instant pour l’offrir en partage » , a- t- il écrit lors d’un échange de mails.
GUÉRISSEUR PAR LE TRAIT
Depuis un peu plus d’un an, Matta réalise un dessin chaque jour, au lever (4 heures), avec tout ce qui lui tombe sous la main : café, thé froid ou chaud mélangé à des aquarelles, encre, jus de betteraves ou de carottes, etc.
Il commence par poser ses couleurs en taches puis le dessin jaillit au trait par-dessus, tel un son agencé en notes, sans que l’outil utilisé ne se lève avant qu’il n’en ait terminé – comme Roland Kirk qui jouait de plusieurs saxophones simultanément sans interruption jusqu’à un quart d’heure d’affilée. Chaque dessin est accompagné d’un court commentaire décalé, retenu parmi plusieurs venus à son esprit. Ramuntcho Matta les poste ensuite sur Facebook (facebook.com/ramuntcho.matta) sous la rubrique « Le dessin du jour ». Il raconte volontiers qu’ils fonctionnent comme des médications. En effet, nombre de commentaires de lecteurs expriment le soulagement que tel dessin leur a procuré, la prise de conscience d’un blocage personnel ou bien la résolution d’un problème ! Ramuntcho Matta se révèle être une sorte de chaman graphique, un guérisseur par le trait. Dans sa tour d’ivoire, Ramuntcho Matta est à l’opposé de la distance, de la froideur professionnelle. Il solarise son environnement. Originaire d’Amérique du Sud, il conserve, dans l’ADN de ses oeuvres, les couleurs acidulées et la fulgurance non dénuée de violence des dessins des codex aztèques. Magie, croyances et art y étaient mélangés. Naturellement.
(1) Manuella Éditions, 2014.
Philippe Ducat est éditeur-graphiste-collectionneur. Dessin du 21 juillet 2014. « Certains chemins ont l’air tout tracé. En acceptant nos complexités on peut les rendre plus intenses, fertiles et généreuses ». Drawing of the day, July 21, 2014 “Some paths look mapped out on in advance. By accepting our complexities we can make them more intense, productive and generous.” Ramuntcho Matta is both a musician and a visual artist. He divides his time equally between the two practices. His taste for haikus is clearly discernable in both his drawings and his musical compositions. But what is most remarkable is his sense of and talent for improvisation, musically and graphically. The only other artist I know with such a visceral sense of improvisation is Robert Combas. It’s no accident that Combas is also a musician. Matta improvises everything—an appointment, the agenda of a meeting or the making of an artwork. Having worked with him on his book L’Usage du temps,( 1) I have been able to experience this art of living in real time. It’s abrasive and at the same time invigorating, an excellent way to keep your eyes wide open and not miss the fleeting gems in the stream of consciousness. The richness of the art of the unplanned is magnificently illustrated in the films of John Cassavetes, infused with life, mood changes, emotion, humanity and generosity. In doing L’Usage
du temps, everything unfolded in real time, as the title suggests. The exchange of emails, at the core of how the book came to be, generated the artworks to be reproduced without any overly elaborate previous plans. This demanded a self-control and serenity similar to what is required for the martial arts. Two or three book launches were scheduled. Ramuntcho and his multi-instrumentalist partner Simon Spang-Hanssen would get on stage with three or four instruments each and improvise on hybrid tunes combining free jazz, blues and experimental music, sometimes with singing. The music was intercut with freewheeling discussions about the use of time. Absolutely nothing was prepared beforehand, and the results would have been disastrous if it had not been for that state of grace Matta knows how to bring about instinctively. Many audience members warmly congratulated him afterwards. “Improvisation requires listening, observing and practicing vigorously every day in order to be able to seize the time, the sap of the instant, and share it with others,” he wrote in one of his emails to me.
HEALING THROUGH DRAWING
For little over a year now Matta has been doing a drawing every day when he wakes up at 4 am, with everything that happens to be at hand: coffee, hot or cold tea mixed with watercolors, ink, beet or carrot juice, etc. He starts by laying down swaths of color and then draws over that, the lines working the way notes organize sound. Whatever he is drawing with, he does not lift it from the paper until the piece is done, the same way that Roland Kirk played several saxophones simultaneously without stopping for a breath for fifteen minutes at a time. Each drawing is accompanied by a short, loopy text, comments selected from the many that pop up in his mind. Matta then posts it on Facebook (facebook.com/ramuntcho.matta) under the heading “Le dessin du jour.” He readily explains that these drawings function like medications. Many readers leave comments describing the relief they felt after looking at a particular drawing, the way they felt that they broke through on something that was blocking them or suddenly resolved a problem. Once again, Matta turns out to be a visual arts shaman, a healer through drawing. In his ivory tower Matta disdains distancing and professional coolness. He solarizes his environment. He retains the DNA of his South American roots, the bright colors and violent radiance of Aztec codexes. Magic, belief and art all mixed together—naturally.
Translation, L-S Torgoff
(1) Paris, Manuella Éditions, 2014.
Philippe Ducat is a publisher, graphic artist and collector.