CHIBA (JAPON)
Genpei Akasegawa
Chiba City Museum of Art / 28 octobre - 23 décembre 2014
Akasegawa Genpei (1937-2014) est un artiste prolifique, qui est passé avec succès de l’avant-garde radicale au manga et à la littérature. Cette rétrospective, au Musée municipal de Chiba, donnait toute la mesure d’un artiste dont la vie reflète les tribulations d’un art d’avant-garde japonais et international. Il s’est déplacé tout au long de sa vie d’un domaine à l’autre, faisant bouger les limites de l’art au sein de la sphère publique, de la culture populaire, du journalisme, de l’architecture, franchissant aussi les limites de la loi. Akasegawa devient une figure-clé des avant-gardes japonaises des années 1950 et 1960, membre du groupe néo-Dada Organizers (19581961), avant de fonder le collectif HiRed Center (1963-64). Pour ces artistes, en phase avec l’art international, la question cruciale est celle d’un Art dans la vie quotidienne que les Néo-Dadas conçoivent comme Anti-Art et Hi-Red Center comme Non-Art. Les oeuvres d’Akesagawa, qui veut « mélanger le cru et le mécanique », constituent un alliage éclatant, puissant de qualités matérielles et conceptuelles. Ses basreliefs et sculptures composés de caoutchouc, d’éléments chromés ou de bas féminins, suggèrent la chair ou le sexe, tandis que leurs titres pointent avec la précision du mot d’esprit des réalités ordinaires et artistiques – argent, sexe, valeur – que le regardeur ne peut esquiver : Fetish of the Contemporary (1961) ou Sheet of Vagina (1961). En 1964, accusé de contrefaçon pour avoir imprimé des reproductions (sur une face) du billet de 1000 yen, l’artiste subit un long procès que ses amis et lui transforment en une matrice conceptuelle, l’artiste devant pour sa défense affirmer l’Anti-Art comme Art (il sera reconnu coupable en 1970). À l’occasion de cet épisode décisif, il se découvre une veine parodique et discursive qu’il va exploiter dans ses mangas, ses essais ou ses romans. Au fil des décennies, il perpétue un esprit avant-gardiste qui, pour s’adapter à une société qui évolue, diversifie ses stratégies critiques en fonction de ses domaines d’intervention. Morphology of the Revenge (1963), titre de l’une des oeuvres reproduisant le billet de 1000 yen, n’annonce- t- il pas une stratégie d’infiltration du système monétaire ? Les Hi-Red Center se démarquent des Néo-Dadas, adoptant des tactiques clandestines pour leurs actions dans l’espace public : lors d’une opération cliniquement critique et politique ( Cleaning Event, 1964), les artistes nettoient la rue avec une excessive minutie. Publiée dans le journal de gauche à grand tirage Asahi, sa série culte de mangas y introduit un humour mordant et ambigu ( The Sakura Illustrated, 1970-71). Sous le nom d’Hyperart Thomasson, Akasegawa mène à partir des années 1970 un projet d’inventaire d’objets urbains sans fonction qui infiltre les villes et qu’il développe ensuite en une banque de données participative. Il en fait également le sujet d’une rubrique décalée au sein de la célèbre revue japonaise Super Photo Magazine. Cet homme aux multiples tours compose une étonnante figure élargie de l’artiste « conceptuel » : être en situation, respirateur de l’air du temps, espion qui complote au grand jour.
Anne Bonnin Akasegawa Genpei (1937-2014) was a prolific creator who moved successfully from radical art to mangas and literature. This retrospective at the Chiba City Museum gave a good idea of the statue of this artist whose career reflects the turbulence and tribulations of the Japanese and international avantgarde. Throughout his life, he was constantly pushing the limits of art in the public sphere, popular cul- ture, journalism and architecture. And constantly pushing the limits of legality. Akasegawa was a key figure of the Japanese avant-garde in the 1950s and 1960s, a member of the NeoDada Organizers group (1958-1961), and founder of the Hi-Red Center collective (1963-64). Like some of their international counterparts, the great concern for these artists was making art part of everyday life. The Neo-Dadas called this “AntiArt and the Hi-Red Center “NonArt.” In their effort to “mix the raw and the mechanical,” Akesagawa’s works boldly and impressively combine material and conceptual qualities. His low reliefs and sculptures made of rubber, chrome elements and women’s stockings suggest flesh and sex, while their titles wittily and precisely pinpoint ordinary and artistic realities (money, sex, value), making them impossible for viewers to avoid, as per Fetish of the Contemporary (1961) and Sheet of Vagina (1961). Accused of forgery in 1964 for having printed reproductions (of a face) on a 100-yen note, the artist went through a long trial which he and his friends turned into a conceptual framework. The artist’s defense involved asserting the artistic status of Anti-Art. He was found guilty in 1970. During this decisive episode he discovered a new aptitude for parody and discourse which he would later exploit in his mangas, essays and novels. Over the decades he perpetuated this avant-garde spirit, adapting it to social changes by diversifying his critical strategies across a variety of fields. Morphology of the Revenge (1963), the title of a work reproducing the thousand-yen note, seems to announce an infiltration of the financial system. The Hi-Red Center differed from the Neo-Dadas in its use of clandestine tactics for interventions in public space. During Clean Event (1964) the artists cleaned up the street with excessive meticulousness. Published in the popular leftwing newspaper, his cult series of mangas brought a note of incisive, biting humor ( The Sakura Illustrated, 1970-71). Taking the pseudonym Hyperart Thomasson, in the 1970s Akasegawa began making an inventory of the function-free objects invading cities, later turning this into a participative database. It was also the subject of his offbeat column for Japan’s Super Photo Magazine. This multifaceted activity all adds up to a broad vision of the “conceptual” artist as someone who works in relation to concrete situations, responds to current realities and plots like a spy in broad daylight.
Translation, C. Penwarden