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Éric Haviland Les Batailles d’Hastings Finitude

- Alexandre Mare

Cynthia s’est pendue. « Espèce d’idiote ! Qu’est-ce que tu fous au bout de cette corde ? Pourquoi tu m’as fait ce coup-là ? Imbécile ! » Eleonor vient de retrouver sa voisine de chambrée, les pieds se balançant au-dessus du radiateur dans leur chambre du pensionnat pour riches jeunes filles, au fin fond de l’East Sussex, à l’endroit même où a eu lieu la célèbre bataille d’Hastings. Nous sommes en mars, bientôt le printemps. Les souvenirs de la confrontat­ion entre Harold et Guillaume le Conquérant qui y obtint le trône d’Angleterre sont loin. C’est aujourd’hui le temps d’autres batailles, d’autres conquêtes, d’autres violences. « Et maintenant, qu’est-ce que je fais ? », se demande Eleonor qui, subitement, passe de l’âge ingrat à l’âge adulte – et c’est sans doute pour cela qu’elle en veut à Cynthia. Dans ce pensionnat, l’événement ne concernera pas seulement Eleonor, le suicide de leur camarade les concerne toutes. On en parle, on culpabilis­e, on s’interroge, on pleure et on chante, on grandit. « La plupart, intuitivem­ent, le perçurent : ces heures magiques, suspendues, remplies d’attente et de musique ne reviendrai­ent plus. Ce sont ces heures-là qui, trente ans plus tard, […] les feraient revenir à Abbey School pour le dîner des anciennes élèves de leur promotion. » Les Batailles d’Hastings, court roman d’Éric Haviland, se joue des frontières entre un récit à la Henry James, un roman naturalist­e ou d’ambiance et le portrait d’une génération. Un portrait tout à la fois tendre, sans doute un peu désabusé, quelquefoi­s sarcastiqu­e. Un roman sur l’adolescenc­e, donc. Surtout, on notera chez Haviland, un souci du détail, quelques portraits réussis, ou encore cette liaison entre la bataille d’Hastings, la bataille suicidaire d’Harold, et le drame qui est au coeur du livre.

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