Collectif Poésie action : Variations sur Bernard Heidsieck a.p.r.e.s / Cnap
Voici maintenant quelques mois que Bernard Heidsieck, poète-derviche tourneur et figure tutélaire de la « poésie sonore » nous quittait. Il a occupé une place importante au sein de la poésie française du 20 e siècle puisqu’il fut l’initiateur de la « poésie action », une poésie rompant avec le graphocentrisme pluriséculaire du livre, le lyrisme ou le psychologisme jugés comme mauvais scénarios. Il proposait dès les années 1950 une poésie magnétique – poème éponge – résolument résiduelle, capable de capturer la prose du monde : une poésie en puissance où le poème – érectile – sort de la page, se projette dans l’espace, tourbillonne et virevolte avant sa chute vertigineuse. S’éloignant ainsi d’une conception autonome et pure du poème qui, depuis Mallarmé, impliquait la « disparition élocutoire du poëte », Heidsieck, à la suite des poètes Zaoums, d’Artaud, du Lettrisme et des expérimentations sonores d’Henri Chopin, se proposait de réintroduire de l’air (de l’oxygène) et du souffle (un espace de projection) en branchant la poésie non seulement à tous types de discours mais aussi au magnétophone à bande. Ce dispositif générant des effets de simultanéité, de superpositions, d’échos, d’anticipations ou d’erreurs montre que « écriture » et « lecture » constituaient non seulement deux pratiques profondément intriquées mais aussi deux modes d’action spécifiques. Ce coffret incluant un livre et un DVD rassemble des témoignages (Gleize, Cadiot, Giorno) et contributions originales (Métail, Chaton), dresse son portrait et présente les principaux jalons de son parcours. En faisant du poème un « événement », Heidsieck aura restitué le poème au sein de la cité : la poésie n’est plus alors un « bibelot d’inanité sonore » mais une affaire publique.