Dominique Fernandez Amants d’Apollon Grasset
Amants d’Apollon clôt une trilogie consacrée à l’homosexualité dans la culture. Les queer studies s’épuisent souvent à construire et légitimer leur objet ; Dominique Fernandez, « premier académicien ouvertement gay », déroule quant à lui avec aisance et naturel une histoire bâtie par petites touches autour d’auteurs et d’artistes homosexuels, ou ayant fait une place à l’homosexualité dans leur oeuvre, du rapt de Ganymède à Brokeback Mountain. Cette histoire est, bien sûr, en grande partie celle d’un refoulement, qu’emblématise la manière souvent comique dont les pudiques traducteurs de Virgile ou Martial ont déguisé pendant des siècles leurs vers trop explicites. On n’est pas obligé de suivre l’auteur lorsqu’il s’efforce de rallier Verdi ou Stevenson à sa cause au moyen de démonstrations parfois alambiquées. Les pages qu’il consacre à la littérature du 20 e siècle présentent, en revanche, un panorama passionnant de la libération de la parole homosexuelle. Amants d’Apollon se veut, en effet, l’ouvrage de combat d’un homme qui s’efforce de tirer de sa propre expérience des armes pour la génération montante. On a peine à imaginer la violence et l’imbécillité de la répression subie par les gays dans les années 1950-60, et les dégâts psychologiques causés par l’isolement et le sentiment de culpabilité, d’ailleurs entretenus par le gros de la littérature de l’époque (à l’heureuse exception de l’Âge d’or de Pierre Herbart). « On ne peut se construire sans admirer » : il s’agit donc pour Fernandez de proposer aux jeunes gays d’aujourd’hui des modèles positifs. On s’étonne toutefois de certains choix, par exemple la faible attention accordée à Hervé Guibert, dont des textes comme les Chiens ou Mes parents ont porté la révolte homosexuelle à l’incandescence.