Iris Murdoch Sartre. Un rationaliste romantique Payot
Qui s’intéresse encore aux romans de Jean-Paul Sartre ? Peu de monde. En 1952, Iris Murdoch, qui hésitait alors entre devenir philosophe, historienne de l’art ou archéologue (elle publiera son premier roman, Sous le filet, en 1954, et deviendra la romancière prolixe et à succès que l’on sait), elle, se passionne pour l’oeuvre romanesque de Sartre, sur lequel elle a rédigé sa thèse, tout en étant l’élève de Wittgenstein. Elle pense, en effet, que l’essentiel, chez Sartre, se situe précisément dans les romans, qui en appellent de l’intérieur à la philosophie (notamment la fameuse scène, dans la Nausée, de Roquentin et du galet, symbole contradictoire de la liberté et de la contingence). Si Sartre, et Murdoch l’admire pour cela, a revendiqué, au coeur même de ce 20 siècle sanguinaire, les droits de la raison, de la liberté et du choix, il faut, selon elle, aller plus loin et ailleurs. Le mystère de la vie humaine, la diversité des êtres ont été écrasés par le démon de l’analyse sartrien. Mais la jeune Iris Murdoch reproche avant tout à Sartre son évitement des « relations morales », qu’elle traitera plus tard dans tous ses grands romans. Pour le dire simplement, elle nie l’évidence de la raison et du rationalisme (en philosophie) et celle de la liberté et du romantisme (en politique). Pour envisager ces « relations morales », elle revient à Platon et se réclame, de manière plus surprenante, de Simone Weil, dont elle est une fervente lectrice : il s’agit, au fond, de la notion du Bien. Ce livre, étonnant et décalé, et c’est tout son intérêt, signe « une rencontre » où la lecture critique audacieuse d’Iris Murdoch explore sans vain dénigrement les romans de Sartre « au-delà d’eux-mêmes », dans leurs possibilités comme dans leurs points d’achoppement.