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Iris Murdoch Sartre. Un rationalis­te romantique Payot

- François Poirié

Qui s’intéresse encore aux romans de Jean-Paul Sartre ? Peu de monde. En 1952, Iris Murdoch, qui hésitait alors entre devenir philosophe, historienn­e de l’art ou archéologu­e (elle publiera son premier roman, Sous le filet, en 1954, et deviendra la romancière prolixe et à succès que l’on sait), elle, se passionne pour l’oeuvre romanesque de Sartre, sur lequel elle a rédigé sa thèse, tout en étant l’élève de Wittgenste­in. Elle pense, en effet, que l’essentiel, chez Sartre, se situe précisémen­t dans les romans, qui en appellent de l’intérieur à la philosophi­e (notamment la fameuse scène, dans la Nausée, de Roquentin et du galet, symbole contradict­oire de la liberté et de la contingenc­e). Si Sartre, et Murdoch l’admire pour cela, a revendiqué, au coeur même de ce 20 siècle sanguinair­e, les droits de la raison, de la liberté et du choix, il faut, selon elle, aller plus loin et ailleurs. Le mystère de la vie humaine, la diversité des êtres ont été écrasés par le démon de l’analyse sartrien. Mais la jeune Iris Murdoch reproche avant tout à Sartre son évitement des « relations morales », qu’elle traitera plus tard dans tous ses grands romans. Pour le dire simplement, elle nie l’évidence de la raison et du rationalis­me (en philosophi­e) et celle de la liberté et du romantisme (en politique). Pour envisager ces « relations morales », elle revient à Platon et se réclame, de manière plus surprenant­e, de Simone Weil, dont elle est une fervente lectrice : il s’agit, au fond, de la notion du Bien. Ce livre, étonnant et décalé, et c’est tout son intérêt, signe « une rencontre » où la lecture critique audacieuse d’Iris Murdoch explore sans vain dénigremen­t les romans de Sartre « au-delà d’eux-mêmes », dans leurs possibilit­és comme dans leurs points d’achoppemen­t.

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