Désir de savoir, désir de voir
Knowing, seeing, controlling
Faut-il que nous parlions de ce que nous n’avons pas encore vu ? Telle est la question que nous nous sommes posée en fabriquant ce numéro d’artpress qui est accompagné d’un supplément consacré à la Biennale de Venise. Pour donner un aperçu aussi précis que possible de l’événement, All the World’s Futures, nous avons rencontré son commissaire, Okwui Enwezor. Il s’est entretenu avec Massimiliano Gioni, qui l’a précédé dans cette tâche il y a deux ans. Dans un second entretien, Paolo Baratta, président de la Biennale, évoque les réformes entreprises par cette institution exceptionnelle (1). D’autres textes présentent quelques sélections nationales. Pour révéler une cartographie complexe, qui est cette année l’objet d’une réflexion particulière, nous avons fait des choix parmi des formes et des territoires du monde occidental comme du monde extra occidental : l’Allemagne, les États-Unis, la Russie et la France, mais aussi Chypre, la Catalogne et Hong-Kong. Nous aurions aimé examiner les projets de pays d’Afrique et d’Amérique latine. Mais les chemins sinueux de l’information ont parfois orienté nos décisions et nos silences, par la force des choses et les besoins du bouclage. Nous nous sommes aussi heurtés à des positions de principe, à des artistes fermement résolus à ne pas « communiquer » sur leurs projets, à ne pas céder à « l’hystérie » des médias en amont de la Biennale. Nous sommes de même convaincus de l’importance des formes autant que des idées, du caractère essentiel de l’expérience directe d’une oeuvre, de la nécessité de laisser à un artiste le temps d’affiner son projet jusqu’au dernier moment. Et la communication n’est pas notre propos. Nous nous étonnons donc, cette année peutêtre encore un peu plus que les précédentes, de la détermination de certains créateurs à mettre leur production sous « embargo » dans les semaines qui précèdent la Biennale. Est-ce pour faire naître le « buzz » ? Cette volonté de contrôle n’est certes pas nouvelle. Elle est même souvent légitime. Mais elle rejoint, sous une autre forme, ce que notre confrère Guy Boyer dénonçait dans un éditorial de Connaissance des arts à propos de Jeff Koons en décembre dernier (2), et dont d’autres magazines dans le monde auraient pu témoigner aussi : en faisant contrôler les images de ses oeuvres par sa société, Koons exerce un bras de fer avec les médias. Notre volonté n’est évidemment pas d’exiger des artistes la consommation immédiate de leurs oeuvres, elle est de faire naître chez nos lecteurs, y compris tous ceux qui n’auront pas l’occasion d’aller à Venise, le désir sincère de mieux connaître leur travail. Tâche que nous poursuivrons dans notre numéro de juillet-août, par des comptes rendus de cette 56e édition de la Biennale de Venise, après visite.
Anaël Pigeat So, now we have to talk about things we haven’t seen yet, is that it? That’s the questionwe asked ourselves when preparing this issue and its accompanying Venice supplement. For an overview of All the World’s Futures, the most reliable source was its curator, Okwui Enwezor, who speaks here to his predecessor in Venice two years ago, Massimiliano Gioni. In another interview, Biennale president Paolo Baratta tells us about the reforms and forms of this unique cultural institution.(1) You will also find short texts presenting selected national pavilions, chosen to reflect the complex cartography that is the heart of this year’s themes with a mixture of western and non-western: Germany, the U.S., Russia, France, Catalonia, Cyprus, Hong Kong, Turkey, Japan, etc. We would also have loved to include projects from Africa and Latin America, but snarls, snags and blurs in information inevitably and regrettably forced our hand in terms of exclusions and inclusions. Not to mention deadlines. We also came up against the principled opposition of artists who refused to “communicate” about their projects, refused to yield to media hysteria. We too believe in the importance of forms, and not just ideas. We believe that nothing can replace direct experience of the artwork, and that artists need time to keep working until the last minute. Nor are we in the communication business. And that is why, this year more than others perhaps, we are surprised by the determination of certain artists to put an “embargo” on their works in the run-up to the opening. Are they trying to ratchet up expectation? This desire to control things is not new, nor is it always illegitimate, but it is anothermanifestation of what our colleague, Guy Boyer, at Connaissance des arts, criticized in an editorial about the Jeff Koons show last December,(2) and that other magazines could have confirmed: by having the images of his works controlled by his company’s legal experts, Koons is trying to strong-arm the media. Of course, we are not asking for works to be immediately ready for consumption, but we do want to stimulate sincere interest in the artists on the part of our readers, not all of whom will be able to make it to Venice. We will continue with that work in our July-August issue, with reviews of the 56th Biennale, as witnessed on-site.
Anaël Pigeat Translation, C. Penwarden