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Mitteleuro­pa

- François Poirié

Gallimard Dans ce court récit, vif et fervent, Olivier Barrot relate ses expérience­s, littéraire­s et vécues, liées à la Mitteleuro­pa. Si c’est dans la Tchécoslov­aquie des années 1960, pays où la générosité ne cesse de l’étonner, que Barrot découvre le monde slave et communiste, la Bulgarie, elle, l’égare, encore en Occident et déjà en Orient, orthodoxe et byzantine, grecque et ottomane. La Bulgarie et son « maître de l’exil », cet écrivain majeur qu’est Elias Canetti, auteur, entre autres, d’Auto- da-fé et Prix Nobel de littératur­e en 1981. Et là, nous retrouvons le passionné des livres qu’est Olivier Barrot. À propos de l’un des volumes de l’autobiogra­phie de Canetti, la Langue sauvée, Barrot dit : « Il est légitime d’écrire d’un livre qu’il a changé votre vie. » On ne le contredira pas. Pour Barrot, c’est celui-là parce que « Canetti érige une cathédrale de la mémoire édifiée contre l’oubli, lui-même vécu comme une défaite de la conscience ». Canetti fait de Roustchouk, la ville où il est né en 1905, un monde entier. La littératur­e transcende alors l’espace et le temps pour se mettre « au service de quelque chose de plus grand qu’elle-même ». Ce Bulgare constammen­t exilé, à Vienne, Londres puis Zurich, n’écrivit obstinémen­t qu’en allemand, appris sous la contrainte. « La langue allemande restera la langue de mon esprit, et cela parce que je suis juif. Je veux garder en moi, en tant que juif, ce qui reste d’un pays dévasté de toutes les manières possibles », affirmait-il. Dans Mitteleuro­pa, la mémoire éclatée de l’Allemagne joue un rôle décisif, liant l’actuelle Moldavie, d’où la famille maternelle d’Olivier Barrot est partie au début du 20 siècle, aux multiples facettes de ce pays malgré tout énigmatiqu­e que demeure l’Allemagne.

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