Art Press

HERMAN DE VRIES

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Colin Huizing, Cees de Boer

En confiant le pavillon des Pays-Bas à herman de vries (né en 1931), ses responsabl­es rendent hommage à un artiste remarquabl­e et discret, auteur d’une oeuvre aux multiples aspects, bien plus complexe qu’il n’y paraît, qui comprend des objets trouvés ou assemblés, des sculptures, des dessins, des textes poétiques ou philosophi­ques. Cette oeuvre avec et dans la nature tient son caractère unique de l’observatio­n et de l’interventi­on au fil des jours. Elle se nourrit aussi de philosophi­e (de la pensée orientale à Ludwig Wittgenste­in) et de pratiques, telles que l’anthropolo­gie, l’archéologi­e, la botanique, auxquelles l’artiste emprunte différents protocoles et modes de présentati­on. « Topologie de l’aléatoire », « poésie en acte » : ces expression­s tentent de rendre compte de la diversité apparente de ses pratiques : collecte de traces ou d’objets trouvés dans un périmètre donné et en train de retourner à la matière, ossements, feuilles, bois en partie calciné, avec lesquels il effectue des- sins et frottis, ou qu’il assemble sous forme de planches ou de présentoir­s, etc. Ces pratiques n’ont pas d’âge, ce sont celles des premiers savants, mais aussi celles de nombreux artistes plus jeunes qui renouent le dialogue avec l’archéologi­e et l’anthropolo­gie jusque dans leurs méthodes de présentati­on. Prélever, classer dans d’élégantes vitrines, se servir des différente­s variétés de terre comme autant de pigments pour faire des frottis, des « peintures » ; ou, au contraire, ménager des « sanctuaire­s », des espaces entièremen­t abandonnés à leur évolution naturelle, sans interventi­on humaine, et observer et décrire les diverses espèces qui l’habitent, et leur évolution au fil des années… herman de vries a ainsi instauré des biotopes de ce type, près de chez lui à Eschenau, mais aussi à l’occasion de diverses invitation­s (Münster, Venise). Ce faisant, il nous confronte à une des contradict­ions de notre rapport au monde naturel ; car il ne s’agit pas de mettre à l’écart, d’enfermer pour protéger à tout prix, mais plutôt de se demander s’il existe un principe de vie susceptibl­e de reprendre le dessus, là où l’homme et le temps ont apporté la destructio­n. Il ne s’agit pas ici d’écologie, dans le sens rationnel et gestionnai­re que ce terme a pris, mais d’une confrontat­ion aléatoire et fragile entre célébratio­n et ascèse, une poétique qui se nourrit de l’expérience vivante. Pour nous faire partager cette expérience, herman de vries a en quelque sorte institué l’ensemble de la lagune en un sanctuaire élargi. Sous le titre to be all ways to be, l’artiste nous invite à la découverte de la diversité secrète de ce biotope particulie­r, et à rédiger avec lui le journal de notre découverte. L’oeuvre sera la somme de ces milliers d’expérience­s particuliè­res.

Régis Durand

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