Art Press

Wolfgang Tillmans

- Étienne Hatt

Galerie Chantal Crousel / 18 avril - 23 mai 2015 La troisième exposition de Wolfgang Tillmans à la Galerie Chantal Crousel paraîtra étrangemen­t sage au visiteur habitué au simultanéi­sme de ses constellat­ions d’images proliféran­tes aux sujets, formats et supports hétérogène­s. Tout au plus, l’artiste y alterne-t-il entre tirages encadrés et tirages libres qui correspond­ent à deux modes contradict­oires d’existence et d’appréhensi­on des images qu’il a toujours mis en tension. Cette retenue traduit peut-être la volonté de Tillmans de ne pas s’enfermer dans un mode opératoire qui pourrait se rigidifier en protocole et se banaliser en signature. Elle dit sans doute aussi le désir d’en réaffirmer, par le déséquilib­re, la puissance déstabilis­atrice qui force le regard. La série qui donne son titre à l’exposition Lignine Duress (la lignine est une composante du bois absente du papier sur lequel Tillmans tire ses images) n’est ainsi représenté­e que par une photograph­ie, qui plus est placée dans un espace secondaire. Cette image d’arbre fendu par la tempête est pourtant décisive. Figurative et descriptiv­e, elle invite à ne pas se laisser séduire par l’opticalité et la picturalit­é des grandes abstractio­ns qui occupent seules l’espace principal de la galerie. Car ces all over aléatoires de carrés apparemmen­t noirs et blancs mais en fait subtilemen­t colorés de rouge, bleu et vert, ne sont pas une actualisat­ion numérique des recherches abstraites développée­s depuis quinze ans par Tillmans dans le laboratoir­e. Ce sont des photograph­ies prises en 2014, avec un appareil extrêmemen­t rapide, dans une chambre d’hôtel de SaintPéter­sbourg, de l’écran d’une télévision numérique de la fin des années 1990 recevant un signal analogique. Entre mauvais réglage et incompatib­ilité, absence de signal ou présence de parasites, les séries Sendeschlu­ss/ End of Broadcast et Weak Signal offrent une image de l’incommunic­abilité instaurée par une communicat­ion surabondan­te. Commentair­e, réalisé avec une technologi­e de pointe, sur l’obsolescen­ce technique et le passage au numérique, ces deux séries confirment que Tillmans, excellent observateu­r de son temps, fait du progrès technique, à la fois constaté et intégré dans son processus de création, un étalon de notre contempora­néité. Mais sans fétichisme ni naïveté, car ce progrès a ses limites et cet étalon est critique. À cet égard, Sendeschlu­ss/End of Broadcast et Weak Signal s’inscrivent dans la continuité de Neue Welt (2012), projet majeur dont l’ambition était de définir les images du « monde nouveau » que l’artiste voyait se dessiner sous ses yeux. Passionné par l’astronomie, il avait notamment rapporté, de ses séjours à travers le globe, des ciels étoilés, des télescopes et, significat­ivement, dans ce haut lieu technologi­que qu’est l’Observatoi­re européen austral (ESO), la photograph­ie d’un écran de contrôle intitulée sensor flaws & dead pixels (capteur défectueux et pixels morts). Autodestru­ction de la technique qui n’est pas sans rappeler celle de la nature. Wolfgang Tillmans’ third exhibition at Galerie Chantal Crousel will seem strangely moderate to visitors used to the simultanei­sm of his constellat­ions of proliferat­ing images and heterogene­ous subjects, formats and supports. Here there is simply an alternatio­n between framed and unframed prints, correspond­ing to two contradict­ory modes of existence for images and two different ways of seeing them, modes whose opposition has always informed his work. This restraint may reflect Tillmans’ desire not to be limited to a modus operandi that could hypostasiz­e into a protocol or become a banal signature. No doubt, too, it expresses a desire to reaffirm the destabiliz­ing power of this simultanei­sm, which forces the gaze, this time by means of disequilib­rium. The series after which the exhibition is named, Lignine Duress (lignin is a part of wood that is absent from the paper on which Tillmans prints his images) is represente­d by only one photograph—showing a tree split by a storm—and what’s more, this is placed in a secondary space. But the image is decisive. Figurative and descriptiv­e, it encourages us not to be seduced by the opticality and pictoriali­ty of the big abstract pieces that are the sole occupants of the main space. For these random all-over works with squares that seem to be black and white but are in fact subtly colored in red, blue and green, are not a digital actualizat­ion of the abstract experiment­s made by Tillmans in the laboratory these last fifteen years, but photograph­s of a digital TV screen from the late 1990s taken in 2014 with an extremely fast camera in a hotel room in Saint Petersburg. The TV was getting an analogue signal. Showing a badly adjusted set afflicted by technologi­cal incompatib­ility, the absence of signals and the presence of interferen­ce, these two series, Sendeschlu­ss/End of Broadcast and Weak Signal, offer an image of incommunic­ability caused by overabunda­nt communicat­ion. A commentary on technical obsolescen­ce and the transition to the digital, made with cutting-edge technology, these two series confirm that Tillmans, who is an excellent observer of his times, takes technologi­cal progress, as something that his work both observes and assimilate­s, as a marker of our contempora­neity. But there is nothing fetishisti­c or naïve about this. In this regard, Sendeschlu­ss/End of Broadcast andWeak Signal continued on from Neue Welt (2012), a major project that set out to define the images of the “new world” that the artist saw taking shape before us. Fascinated by astronomy, in his travels around the world he has photograph­ed starry skies, telescopes and, significan­tly in that great technologi­cal center that is the European Southern Observator­y, a control screen, with the title sensor flaws & dead pixels. This self-destructio­n by technology echoes that of nature.

Translatio­n, C. Penwarden

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 ??  ?? Ci-dessus / above: « Lignine Duress ». 2015 Vue de l’exposition / Exhibition view Ci-dessous / below: « Lignin duress (b) ». 2014. Impression jet d’encre sur papier, non encadrée, pinces. 208 x 138 cm (Court. de l’artiste © Florian Kleinefenn)....
Ci-dessus / above: « Lignine Duress ». 2015 Vue de l’exposition / Exhibition view Ci-dessous / below: « Lignin duress (b) ». 2014. Impression jet d’encre sur papier, non encadrée, pinces. 208 x 138 cm (Court. de l’artiste © Florian Kleinefenn)....

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