60e Salon de Montrouge
Beffroi / 4 mai - 3 juin 2015 Les soixante bougies rouges réparties sur les cimaises de la grande salle du Beffroi de Montrouge ont été conçues par matali crasset (comme les scénographies des six éditions précédentes) pour dessiner autant de petits espaces monographiques, et célébrer l'anniversaire du salon auquel Stéphane Corréard a donné un nouvel élan il y a sept ans lorsqu’il en a repris la direction artistique. Cette année, les artistes sont particulièrement nombreux dans le collège critique comme dans le jury présidé par Olivier Assayas. Quant à l’invité d’honneur, Jean-Michel Alberola (à qui le Palais de Tokyo consacrera une grande exposition au début de 2016), il bénéficie de tout le premier étage où est montrée, tout en retenue, une très belle sélection de ses oeuvres récentes, dont une peinture intitulée le Roi de rien, une autre inspirée des émeutes de Watts, des maquettes de petites cabanes figurant la pensée de Walter Benjamin et Simone Weil notamment, et deux néons qui indiquent en rouge : « Sans grand changement, 7 janvier 1922, Kafka » et de l’autre côté de l’espace « Il n’y a pas de figure centrale » – au-dessus d'une petite sculpture intitulée Ici. Un bon programme pour le salon. En plus de l’installation inédite d’oeuvres dans l’espace public tout autour du Beffroi, et d’une exposition, Parti(e) du paysage, par d’anciens participants, la sélection est cette année resserrée à une soixantaine d’artistes. Cela fait gagner à l’ensemble clarté et lisibilité. Très divers, leurs travaux sont nourrissants. Qu’ils sortent à peine d’une école d’art ou qu’ils aient déjà une expérience un peu plus développée, ces artistes sont de plus en plus professionnalisés. Peut-être y a-t-il d’ailleurs cette année un peu moins de ces profils marginaux auxquels les éditions précédentes nous avaient habitués. Que ce soit le fait d’une tendance de la création contemporaine, le goût de Stéphane Corréard, ou les deux à la fois, la peinture très présente, et dans des styles variés bien que surtout figuratifs, ce qui a de quoi réjouir : grands tableaux d'intérieurs, de Filip Mirazovic ; autoportraits intimistes de Marion Bataillard (grand prix du jury ex-æquo) dans lesquels on reconnait l’influence de David Hockney ; corps musclés évoquant les laques de Dunant et le style des années 1930 dans des compositions inspirées de Michel-Ange par François Malingrëy (prix du conseil départemental des Hauts-de-Seine) ; et, dans un tout autre registre, monstres de science-fiction chez Stanislas Bor. Par ailleurs, entre des oeuvres politiquement engagées comme les commentaires sur la vulgarisation culturelle (dans les sites touristiques par exemple) et les « peintures d'histoire » sur panneaux de signalétique réalisés par Nayel Zeaiter, les dessins oscillant entre références à la pensée ésotérique des alchimistes et effets cinétiques d’Arthur Lambert (prix spécial du jury), et la sculpture d’une chaîne de montage de fantaisie intégralement réalisée en papiers de couleur découpés par le duo Zim et Zou, les obsessions se croisent et se mêlent. Quelques sculptures se démarquent, comme la bétonneuse dé- tournée par Willem Boel (grand prix ex-aequo) et les masques métalliques de Tarik Kiswanson, né en Norvège, qui jongle élégamment avec les références de la modernité et celles de ses différents héritages. Une partie entière de l’accrochage est réservé à une exposition sur le post-internet, dont le commissariat est assuré par Alexis Jakubowicz, une manière de renouveler le genre du salon. Plusieurs très bonnes vidéos sont aussi à remarquer, notamment celles de Wei Hu, pour lesquelles cet artiste chinois a déjà reçu de nombreuses récompenses dans le domaine du cinéma (Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand, 2014). Signe de la porosité croissante entre l’art et le cinéma, ce travail aurait mérité d’être salué également, comme l’avait été celui de Clément Cogitore en 2011. Il faut évoquer enfin le remarquable autel conçu par Kenny Dunkan (Prix ADAGP des arts plastiques), haut-relief animé autour duquel il nous invite à circuler. Telle une icône contemporaine, une vidéo en occupe le centre, un peu en surplomb par rapport au visiteur. On l’y voit danser place du Trocadéro, jusqu’à l’épuisement, vêtu d’une veste sur laquelle il a cousu un grand nombre de petites tours Eiffel dorées qui tombent et que les passants ramassent au fur et à mesure qu’il danse. Sur un ton à la fois grave et enlevé, la question du postcolonialisme est chez lui présente, maîtrisée et dépassée. The sixty red candles placed around the picture walls of the main hall of the Beffroi de Montrouge were designed by matali crasset to define a series of small monographic spaces and at the same time celebrate the birthday of this salon that Stéphane Corréard has revitalized since he took over as artistic director seven years ago. This year there is a particularly high quotient of artists in the critical panel and in the jury, chaired by filmmaker Olivier Assayas. As for the guest of honor, Jean-Michel Alberola (who has a big show coming up at the Palais de Tokyo in early 2016), he has the whole second floor to himself. In this very understated display featuring a fine selection of his recent works, including a painting titled Le Roi de rien (King of Nothing), another inspired by the Watts riots, maquettes of little huts representing the ideas, notably of Walter Benjamin and Simone Weil, and two neons whose red lettering reads, “No major changes, January 7, 1922, Kafka” and, on the other side of the space, “There is no central figure,” over a small sculpture titled “Here.” A good program for the salon. In addition to a new installation of works in the public space around the Beffroi, and an exhibition for former participants, punningly titled Parti(e) du paysage (part of/departed from the scenery), the selection of artists is tighter this year, down by fifteen on previous editions. This enhances the overall clarity and legibility. The work is highly diverse and stimulating. Whether fresh out of art school, or with a bit of experience under their belt, artists today are increasingly