Art Press

UNE NATURE PRÉGNANTE

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Le milieu rural a toujours été le lieu où les conflits armés ont sévi. Ces derniers temps, on peut parler d’une détente sensible grâce aux négociatio­ns de paix en cours à La Havane depuis 2012. Tout se passe comme si les milieux naturels jadis contaminés par les différente­s forces armées, et donc inaccessib­les, dévoilaien­t progressiv­ement leurs richesses à la faveur de la désertion, lente mais réelle, de ces forces. Cette valorisati­on de la nature et de la terre est à la fois symptomati­que de notre époque et propre à la Colombie, où les jungles occupent une grande partie du pays et où différents milieux naturels uniques au monde (l’Amazonie, la forêt du Pacifique ou encore les Páramos) coexistent et présentent des ressources infinies. Avec les thèmes de la violence, de la politique et de la finalité souvent sociale de l’art, celui de la nature est largement traité en Colombie : il suffit de penser au concept qui régit la fondation Flora ars+natura ou au travail de beaucoup d’artistes comme l’herbier tinctorial de Suzana Mejía (Medellín, 1978), les cultures de pommes de terre de Ernesto Restrepo (Montería, 1960), les portraits d’arbres de Guillermo Santos, ou encore les Jardins errants d’Antonio Díez (Bogotá, 1966). Sur la côte Pacifique, à une heure et demie de Medellín en avionnette militaire, dans une région appelée Le Chocó, ruban de terre sauvage couvert d’une épaisse selva qui présente une des plus grandes biodiversi­tés de la planète, jadis terre d’accueil et de refuge des population­s esclaves noires, aujourd’hui résidence des forces armées, l’artiste Fernando Arias (Armenia, 1963), un des membres fondateur du collectif Más arte, Más acción (Plus d’art, Plus d’action), a créé un lieu de rencontres entre l’art, la science et la nature, l’humanité (les intervenan­ts extérieurs et les communauté­s autochtone­s afrocolomb­iennes en particulie­r) et le savoir. La plateforme Chocó Base, conçue avec le designer hollandais Joep Van Lieshout (Ravenstein, 1963), offre aux créateurs et penseurs de toutes discipline­s un espace physique déconnecté du reste du monde, véritable paradis. Si la nature et la fonction sociale de l’art sont deux préoccupat­ions essentiell­es du collectif Más arte, Más acción, elles le sont également pour Susana Mejía que nous avons croisée au Taller de Grabado La Estampa (Ateliers de Gravure L’Estampe) à Medellín. Accompagné­e d’un groupe interdisci­plinaire composé d’amis biologiste­s, anthropolo­gues, photograph­es et vidéastes, l’artiste collabore avec des tribus amazonienn­es, notamment avec les communauté­s Huitoto et Tikuna, pour raviver le patrimoine en sauvant des savoir-faire ancestraux. Ensemble, ils créent des pigments naturels pour teinter des fibres ou peindre à partir de différente­s espèces botaniques vouées à disparaîtr­e. L’oeuvre du projet Color Amazonia (7) une installati­on sonore (bruits de jungle) et visuelle composée de vidéos, de monotypes réalisés à partir de plantes, de papier et de fibres teintées, vient d’être exposée au centre culturel Conde Duque à Madrid, dans le cadre de l’exposition Tejedores de agua, qui combine art, design et artisanat, et dont le fil rouge, conçu par José Roca, était l’influence

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