Art Press

COLOMBIE LA RÉALITÉ DERRIÈRE LE BOOM

- Claire Luna Casa Campos de Gutierrez, Medellín

Boom ! Le mot, souvent employé dans les domaines économique et démographi­que, suppose la fulgurance. Mais appliqué au champ de l’art, quel sens peut-on lui donner ? Depuis dix ans, la production colombienn­e occupe une place croissante sur le marché internatio­nal et attire de plus en plus le regard. En 2013, le Monde publie « Colombie, ex-paria et nouvelle scène de l’art », et l’ouvrage Art Cities of the Future (Phaidon) répertorie sa capitale parmi les douze villes artistique­s du futur. La Colombie est l’invitée d’honneur de l’édition 2015 de la foire ARCO à Madrid.

Nous avons sillonné les trois cordillère­s de la Colombie, arpenté ses côtes pacifique et caribéenne, ainsi que son eje cafetero (triangle du café), mais le caractère propre au boom ne s’y vérifie pas. Si cette scène artistique existe aujourd’hui aux yeux des centres, c’est bien parce que l’Occident a décidé de la regarder. Certaineme­nt deviendra-t-elle à son tour un centre : c’est l’hypothèse de l’ouvrage Art Cities of the Future (Phaidon). Comme l’a justement rappelé le commissair­e d’exposition José Ignacio Roca : « On appelle ça un boom, mais c’est le regard de l’autre qui a changé sur nous. » Et, non seulement la scène va en se construisa­nt et en se développan­t depuis longtemps mais, ce qui importe ici, c’est qu’elle le fait indépendam­ment de toute pression extérieure du marché de l’art et sans médiation.

LE BOGOTÁ ART DISTRICT ( BAD)

Pour créer sa fondation Flora ars+natura (1), José Roca a choisi San Felipe, au nord de la capitale, nouveau quartier artistique de Bogotá, que l’on appelle communémen­t le Bogotá Art District (BAD). L’architecte et collection­neur Alejandro Castaño est à l’origine de ce nouveau projet. Conscient des difficulté­s pour se déplacer dans la capitale colombienn­e, il a trouvé une solution pragmatiqu­e : il a souhaité que ce quartier draine amateurs et collection­neurs par sa concentrat­ion de galeries, d’ateliers d’artistes (Doris Salcedo fut l’une des premières à s’installer) et d’événements à succès comme la Noche de Galerías (La nuit des galeries). Aujourd’hui, dans les rues du BAD, on trouve un nombre croissant de galeries et d’espaces indépenyry­dants qui forment une communauté artistique unie et dynamique (Sketch, Flora, 12:00, Beta et bien d’autres encore).

LA SCÈNE INSTITUTIO­NNELLE

La scène artistique institutio­nnelle de Colombie s’est amplement consolidée : les ministères de la Culture et de l’Éducation, ainsi que les municipali­tés, jouent un rôle important depuis une petite décennie en multiplian­t les bourses et les prix. Créé en 1996, le prix national Luis Caballero est un des prix nationaux d’arts visuels les plus importants du pays ; les candidats, âgés d’au moins 35 ans, doivent proposer un projet in-situ dans des espaces clefs de la capitale. Parmi les lauréats du prix biennal, on peut citer María Elvira Escallón (Londres, 1954) représenté­e par la galerie parisienne Mor Charpentie­r, ou encore le gagnant de l’édition 2011, Luis Roldán (Cali, 1955), actuelleme­nt exposé chez Henrique Faria à New York. Pour la septième édition, en 2013, huit interventi­ons ont ponctué la Ruta del Caballero (le Chemin du Cavalier), un parcours créatif dans Bogotá. Dans la Casa del Teatro Nacional, les Ejercicios espiritual­es (Exercices spirituels) du lauréat José Alejandro Restrepo (Bogotá, 1959), dont on a pu apprécier quelques photograph­ies lors de l’exposition Nocturnes de Colombie au musée du Quai Branly (2014), constituen­t l’une de ces étapes. L’artiste est parti d’un manuel éponyme (1540) écrit par

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