Savoir dire pour vouloir faire
Yellow Now Critique aux Cahiers du cinéma de 1969 à 1981, Pascal Kané est également l’auteur de plusieurs longs métrages de fiction, de documentaires, mais aussi de films pour la télévision. Il est heureux d’avoir ainsi rassemblé une sélection de textes d’un protagoniste des Cahiers sans doute moins connu que Serge Daney, mais dont la contribution à la critique est centrale et reste sans conteste à découvrir. La composition de l’ouvrage – rythmé par des chapitres aux titres suggestifs : « Classiques », « Après Brecht, avant Shoah », « Italies »… – témoigne de la diversité des réalisateurs abordés par Kané (de Renoir à Polanski, de Pasolini à De Palma, etc.). La lecture de ces différents articles laisse aussi entrevoir la manière dont les sciences humaines – la psychanalyse, la théorie littéraire de Barthes, la pensée de Foucault, etc. – irriguent tout naturellement les réflexions du critique, sans que ces références servent de béquilles à l’argumentation, mais relèvent au contraire d’outils d’analyse qui interfèrent intimement avec les formes filmiques. Quel meilleur antidote à l’anti-intellectualisme mortifère qui essaime ici et là ? Il faut lire en outre les pages qui problématisent à nouveaux frais les relations entre « cinéma et histoire ». Pascal Kané, en lutte contre les stéréotypes sociaux qui caractérisent trop souvent les films historiques, énonce deux règles qu’il convient de méditer au regard de la production actuelle : « D’un côté, opacifier la vie quotidienne en rendant insolite un fait banal ; de l’autre, rendre l’Histoire accessible en recherchant derrière les savoirs trompeurs, les représentations figées, ce qui aujourd’hui dans l’Histoire nous interpelle. » Un programme que l’art du cinéma doit réinvestir à chaque époque.