Art Press

Mona Hatoum

- Catherine Francblin

Centre Pompidou / 24 juin - 28 septembre 2015 Formelleme­nt, le travail de Mona Hatoum se situe dans la lignée de l’art minimal. Ainsi, le grand Cube au centre de la première salle présente des affinités évidentes avec certaines sculptures de Robert Morris ; de même, la compositio­n en damier, Present Tense, rappelle plus ou moins les assemblage­s au sol de Carl Andre. Mais la forme, chez Mona Hatoum, est un piège. Il suffit de s’approcher de ses oeuvres pour que s’évanouisse l’impression d’avoir affaire à un objet familier et que surgisse à sa place, avec d’autant plus de violence qu’on ne l’attendait pas, un objet inconnu, inquiétant, qui dépossède de son savoir celui qui regarde et le constitue en étranger. De près, en effet, Cube s’est transformé en cage, et Present Tense en une carte des territoire­s palestinie­ns établie à l’aide de pains de savons traditionn­els fabriqués à Naplouse. Les cages et les cartes sont des éléments récurrents du vocabulair­e de l’artiste. Les premières, comme Light Sentence (composée de casiers grillagés cernés d’ombres mouvantes) ou Impenetrab­le (structure suspendue en fils de fer barbelés en guise d’hommage ironique à Soto), communique­nt l’angoisse de la privation de liberté. Les secondes, comme la très belle Map (clear) en billes de verre simplement posées au sol ( carte susceptibl­e, donc, d’être bousculée, désorganis­ée par les déplacemen­ts des visiteurs), s’inscrivent dans le contexte des crises et bouleverse­ments géopolitiq­ues actuels. De plus, les deux motifs peuvent se rejoindre pour ne former qu’une seule oeuvre, à l’instar du globe terrestre veiné de tubes de néon rouge de Hot Spot. Riche de plus de cent pièces, cette exposition, due au commissari­at de Christine Van Assche, témoigne de l’extrême cohérence sur une trentaine d’années de l’oeuvre de Mona Hatoum. Elle révèle aussi une personnali­té d’une grande sensibilit­é, marquée par l’exil et en permanente empathie avec les peuples en proie aux souffrance­s de la guerre ou de l’enfermemen­t. Le parcours, en adéquation avec l’esprit de ce travail – qui, même s’il s’autorise, ici ou là, quelques traits d’humour, refuse l’anecdotiqu­e –, est parfaiteme­nt ordonné, parfaiteme­nt maîtrisé. Est-ce cela qui le rend si monotone ? Ou est-ce l’oeuvre dans son ensemble qui, à force d’équilibre des contraires, de répétition des mêmes thèmes, prend des airs de leçon et finit par ennuyer ? Nombre d’oeuvres présentes ici étaient rassemblée­s en 2009 à la Fondation Querini Stampalia à Venise. On les découvrait alors dans un cadre habité qui mettait en relief leur caractère intimiste. En gommant cette dimension intérieure, subjective, au profit d’une idée peut-être un peu trop sérieuse de la « rétrospect­ive », l’exposition parisienne creuse entre le spectateur et l’oeuvre une distance qui amortit l’émotion. La générosité annoncée au début de la visite dans So Much I Want to Say ne se prolonge guère au-delà. La photograph­ie Over my Dead Body, dans laquelle l’artiste se montre en résistante, prête à combattre en personne jusqu’au bout, ne tient pas les revigorant­es promesses de son titre. In formal terms, Mona Hatoum’s art is an heir of Minimalism: witness the big Robert Morris-like Cube in the middle of the first room here, or the way the checkered compositio­n of Present Tense evokes some of Carl Andre’s floor assemblage­s. But with Hatoum, form is deceptive. A closer look at the works quickly dissipates the impression of familiarit­y as we become aware of an unknown, disturbing object, an impression that is all the more violent for being unexpected. The beholder is now stripped of her knowledge and rejected as a stranger. Close to, that Cube is transforme­d into a cage, and Present Tense turns out to be a map of Palestinia­n territorie­s made using the traditiona­l cakes of soap produced in Nablus. Cages and maps are staples of this artist’s vocabulary. The former, exemplifie­d by Light Sentence (comprised of wire lockers) and Impenetrab­le (a hanging structure in barbed wire, its title and form a sardonic homage to Soto’s Penetrable­s), convey the anguish caused by lack of liberty. The latter, like the very fine Map (Clear), formed by glass beads simply laid out on the floor (a map that is therefore likely to be disorganiz­ed by the movements of visitors), evoke today’s geopolitic­al crises and upheavals. Sometimes, the two motifs come together, as in Hot Spot, a globe veined with fine red neon tubes. Featuring over a hundred pieces, this show curated by Christine Van Assche demonstrat­es the remar- kable coherence of Hatoum’s work over the last thirty years. It also reveals her singular sensitivit­y, forged by the experience of exile and manifested by her constant empathy for peoples torn by war or oppressed by confinemen­t. Reflecting the spirit of this work which, while sometimes allowing itself a touch of humor, eschews anecdote, the layout here is perfectly orderly, very much under control. Could that be what makes it so monotonous? Or is it the work itself which, with all its balancing of opposites, its thematic repetition­s, makes us feel we are having a lesson drummed into us, a lesson that gets boring. Many of the pieces here featured in the artist’s 2009 show at the Fondazione Querini Stampalia in Venice. The setting there had a lived-in quality which brought out their more intimate qualities By dispensing with this inward, subjective dimension in its pursuit of a perhaps overly serious “retrospect­ive” manner, the Parisian show puts viewers at a distance from the work and its emotional impact. The sense of generosity conveyed at the start of the sequence by So Much I Want to Say soon peters out. The photograph Over my Dead Body, in which the artist presents herself as a resistance fighter, ready to fight to the bitter end, does not live up to the bold promise of its title.

Translatio­n, C. Penwarden

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 ??  ?? . 1992. 36 casiers grillagés, moteur électrique, ampoule d’éclairage. 1,98 x 1,85 x 4,90 m (© Ph. Centre Pompidou, Mnam-CCI/ Dist RMN-GP / P. Migeat) Ci-dessous / below: . Néons. (Court. galerie Max Hetzler, Paris, Berlin ; Ph. J. von Bruchhause­n)
. 1992. 36 casiers grillagés, moteur électrique, ampoule d’éclairage. 1,98 x 1,85 x 4,90 m (© Ph. Centre Pompidou, Mnam-CCI/ Dist RMN-GP / P. Migeat) Ci-dessous / below: . Néons. (Court. galerie Max Hetzler, Paris, Berlin ; Ph. J. von Bruchhause­n)

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