J’ai toujours su parler aux femmes
Arléa Écrire ses mémoires de front, en dépit de l’effort que cela suppose, semble être toujours paresseux : on cherche à restituer, sans choix, l’intégralité du parcours. En revanche, la posture oblique de la remémoration dégage une perspective et introduit un angle de vue, comme ici où l’écrivain et éditeur de livres d’art Adam Biro, avec désinvolture et une ironie jamais tempérée, revisite, en désordre, ses flirts et ses conquêtes, ses lectures et ses réflexions sur le discours de la séduction. Casanova, expert en la matière, ne disait-il pas que la réussite dépend du brio des mots? Adam Biro l’admet et confirme que la séduction est surtout un art de la parole, de son maniement précis dans des contextes concrets. Il rappelle des rendez-vous et des rêves, des visites chez des comtesses ou des échanges sur un scooter, sans jamais s’accorder la posture du conquérant vaillant, bien au contraire, car toujours étonné par ses réussites et vite consolé de ses échecs. Quel plaisir procure ce livre léger qui renvoie avec grâce aux « jeux de l’amour et du hasard » si prisés par le 18 siècle tout en étant imprégné de la nostalgie discrète de l’émigrant que la modicité de ses moyens ne décourage pas ! Livre du bonheur fugitif des relations passagères jamais poussées jusqu’à la consommation de l’acte. Mélange de surprise protégée par la distance, toujours préservée. Livre érotique, mais livre pudique. Livre d’abord et surtout ludique. Rien de torride ou de passionnel dans ces mémoires d’un séducteur et d’un joueur qui, tout de même, prend des précautions car, s’il regarde les filles ou leur parle en vue d’une liaison à nouer, il ne se départit jamais de la prudence d’un conseil : « Ne couchez jamais avec une femme dont les cauchemars sont pires que les vôtres. »