LE DANSEUR ET SES PAUVRES
À partir des années 2000, vous vous effacez en tant qu’auteur : de Xavier Le Roy, où vous déléguez la chorégraphie, à la série des portraits basée sur la vie des interprètes. Cette mort symbolique en tant que chorégraphe est-elle une nouvelle réponse à cette absence originelle ? Peut-être. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agissait, de manière consciente, d’essayer de supprimer un des éléments constitutifs du spectacle, à savoir l’auteur – moi en l’oc- Dans Gala, le nivellement de l’amateur et du professionnel renforce cette définition expérimentale du performeur. Qu’est-ce qui vous a séduit dans l’expérience de ces corps inexpérimentés ? L’altérité. Ce projet est issu d’un atelier mené à l’invitation de Jeanne Balibar en banlieue parisienne, à Montfermeil et Clichy-sous-Bois. J’y ai rencontré des individus très différents, culturellement et socialement. Cela m’a ravi, la question qui s’est imposée fut alors celle de partager un plateau, celle du « danser ensemble ». Ayant répondu chorégraphiquement à cette question, je décidai que ce travail pourrait devenir un spectacle. Cependant, quand j’en ai parlé à mes producteurs, le projet a immédiatement été perçu comme une action sociale et cela m’a déplu. Car ce n’était pas parce que les interprètes étaient des amateurs, de banlieue
LE DÉSIR DE L’AMATEUR
Ce corps en échec présente donc une réelle valeur chorégraphique, ne serait-ce que comme un contre-modèle au corps professionnel. Si on place Gala en regard de Disabled Theater, peut-on considérer l’amateur comme un « handicapé » de la profession ? Probablement. C’est le glissement que j’opère entre ces deux pièces. Les handicapés mentaux de Zurich étaient sur scène en tant que professionnels ; c’est pour cela que j’ai pu travailler avec eux. Dans Gala, les trois quarts des danseurs sont céramistes, retraités, assistantes maternelles ou informaticiens. Une des questions du spectacle est ainsi d’entrevoir, à travers leur rapport à la danse, leur relation à eux-mêmes ( à quoi s’identifient-ils ?) comme aux autres (comment dansent-ils ensemble ?), et ce malgré leur dilettantisme. Le désir de l’amateur est ce qui me semble le définir. Il est « celui qui aime », et c’est ce désir dénué d’intérêt qui me paraît prodigieux. Il n’a pas d’enjeu de productivité, ni