L’Image partagée. La photographie numérique
Textuel André Gunthert, chercheur en histoire visuelle, réunit douze articles portant sur l’image et les médias à l’ère numérique. Publiés entre 2004 et 2015, ils sont contemporains de la « transition numérique » qui a rendu l’image « fluide » (plus que « dématérialisée ») et partageable sur les plateformes visuelles comme Flickr. Ils reprennent les jalons de cette histoire en cours : la publication des photographies de la prison d’Abou Ghraib en 2004, « première confrontation du grand public avec des images désignées comme numériques », ou les attentats de Londres de 2005, légitimation journalistique d’images amateur faites au téléphone portable. Gunthert s’intéresse aux usages et à leurs significations anthropologiques ou culturelles : il revient sur l’apparition de l’« image conversationnelle » sur les réseaux sociaux, où la « photographie connectée » devient le message, et consacre un passionnant article au selfie, « autophotographie en situation ». Il tord le cou aux idées reçues, dont la concurrence des amateurs qui fragiliserait la profession de photojournaliste : une « légende tenace » qui ne résiste pas à l’analyse des corpus publiés et des motivations réelles (si la presse recourt à ces images, c’est pour des raisons moins économiques qu’éditoriales). Néanmoins, à en croire l’auteur, la transition numérique rebat bel et bien les cartes : « révolution pour les amateurs, crise pour les professionnels ». À l’inventivité des pratiques personnelles répond, en effet, la résistance des professionnels à l’innovation. Mais il faut sans doute nuancer cette dernière : songeons à la création artistique (grande absente de l’ouvrage en dépit de l’oeuvre de Penelope Umbrico en couverture), où le numérique est la source de profonds renouvellements.