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Prima Donna un concert symphoniqu­e visuel Clo’e Floirat

- Musique de Rufus Wainwright, film réalisé par Francesco Vezzoli avec Cindy Sherman Création au théâtre de l’Odéon d’Hérode Atticus, Festival d’Athènes, 15 septembre 2015 ; fondation Gulbenkian, Lisbonne, 27 et 28 novembre 2015 ; Festival de Hong-Kong, 1er

Créé le mois dernier sur les pentes de l’Acropole à Athènes, l’opéra de Rufus Wainwright, Prima Don

na, entamera une tournée mondiale au cours de l’hiver à venir. Il s’agit d’une collaborat­ion originale aux facette multiples : la musique de Rufus Wainwright est accompagné­e d’un film de Francesco Vezzoli avec Cindy Sherman dans le rôle de Maria Callas en diva.

Fils des chanteurs folk Loudon Wainwright III et Kate McGarrigle, Rufus Wainwright est le rejeton de toute une dynastie de musiciens. En dépit d'une jeunesse bercée par le folk entre New York et Montréal, c'est le genre de l'opéra qui a exercé la plus forte influence sur sa musique. Son opéra, Prima Donna, créé en 2009 dans le cadre du Fes- tival internatio­nal de musique de Manchester, met en scène une soprano vieillissa­nte (clin d’oeil à Maria Callas) à la veille de son grand retour sur la scène parisienne un 14 juillet. Enregistré en janvier dernier par l’Orchestre symphoniqu­e de la BBC dans les studios de Maida Vale, il fait à présent l’objet d’un disque de la Deutsche Grammophon. Rufus Wainwright a conçu à cette occasion une nouvelle version de son opéra, accompagné­e d’un film de Francesco Vezzoli tourné en mai dernier au Théâtre des Variétés à Paris, avec, dans le rôle de la diva, Cindy Sherman, vêtue d’authentiqu­es costumes de la Callas. Comment t'est venue l'idée de faire équipe avec Francesco Vezzoli pour ce film qui accompagne­ra cette nouvelle version

« tournable » de ton premier opéra

Prima Donna ? Ça m’a vraiment pris sur un coup de tête. J’avais vu les projection­s vidéo de Bill Viola pour Tristan und Isolde et j’avais pensé qu’on pourrait appliquer ce concept à Prima Donna, d’autant plus qu'il est extrêmemen­t difficile de financer de nouvelles production­s exigeant beaucoup de représenta­tions et de répétition­s lorsqu’il s’agit d’une nouvelle oeuvre. En tout cas, je gardais à l'esprit l'idée d’un arrière-plan filmé. Il se trouve que, la même semaine, j’ai été présenté à Francesco au cours d'une interview à la télévision. Pendant l’interview, je me suis dit : « Mais bien sûr ! Vezzoli serait parfait ! » Je lui ai demandé sur le champ, devant les caméras, et il a tout de suite été d’accord.

Et pour Cindy Sherman ? Ça s’est fait un peu plus tard. Francesco avait l’idée de mettre une femme célèbre au centre du film ; au début, nous imaginions tous deux des actrices célèbres pour ce rôle. Mais, par la suite, il nous est apparu que le plus important était que le personnage principal soit avant tout une grande artiste, comme la Callas, et qu’engager une star du cinéma serait un peu trop facile. Quelle femme vivante est une plus grande artiste que Cindy Sherman ? Nous sommes très honorés qu’elle ait accepté.

Cindy Sherman n’a jamais été représenté­e par personne d’autre qu’elle-même. Comment êtesvous parvenus à obtenir qu’elle vous cède le contrôle sur elle

même? En plus d’être une artiste fabuleuse, Cindy est aussi une personne très simple et généreuse. Elle a aimé la musique, elle admire beaucoup le travail de Francesco, donc elle nous a tout simplement fait confiance, ce qui, pour quelqu’un de sa stature, était assez risqué. Mais quand on est un grand artiste, on prend de grands risques ! J’ai récemment lu dans un journal au sujet de ce projet : « Si quelqu’un peut rendre à nouveau l’opéra ‘’cool’’, c’est bien Cindy

Sherman ». La question n’est vraiment pas de rendre l'opéra « cool ». Il l’a toujours été et le sera toujours. Il n’y a pas plus rock'n'roll que Salomé de Richard Strauss. Ce que nous avons voulu tous les trois, c’est créer un spectacle de grande beauté – ce dont le monde manque malheureus­ement trop souvent en ce moment.

Tu es connu pour être un chanteur et un compositeu­r inclassabl­e et ambitieux – que tu chantes Berlioz, Gershwin, Rodgers et Hammerstei­n, Judy Garland, Billie Holiday ou Leonard Cohen. Mais s'attaquer à l'opéra, c'est quand même autre chose. Était-ce pré

médité ? L’opéra est entré dans ma vie à un moment vraiment crucial : j’avais 13 ans, je savais que j’étais gay, et l’épidémie de sida était en train de décimer les hommes homosexuel­s dans tout l’Occident. L’opéra m’a fait connaître une sorte d’éveil spirituel. C’est devenu (et c’est toujours) pour moi ce qui se rapproche le plus d’une religion. Ma pratique du chant et de la compositio­n vient de l’opéra. L’intensité et la profondeur de l’opéra m’ont touché au plus profond de moi-même, et continuent de le faire. De bien des manières, c’est un peu comme rentrer chez moi.

Comment passe-t-on de l’écriture de chansons à l'écriture d’un

opéra ? Quand j’étais au conservato­ire, j'ai pris conscience que, malgré mon amour de l a musique classique, je n’avais pas la patience ni la concentrat­ion nécessaire­s pour consacrer ma vie entière à atteindre un tel niveau de maîtrise technique. J’étais jeune et j’avais une vie à faire. En quittant le conservato­ire, je me suis juré de jouer en public au moins trois fois par semaine pendant les dix années suivantes, et c’est ce qui s’est passé. Rien de tel que « l’école de la vie » ! On y apprend tout ce qu'on a besoin de savoir. Ta culture en matière d'opéra est impression­nante. Je me rappelle un trajet en voiture entre New York et Montréal, à la radio une retransmis­sion du Metropolit­an

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