Art Press

My Buenos Aires

Maison rouge / 20 juin - 20 septembre 2015

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À travers plus d’une centaine d’oeuvres réalisées par soixante-cinq artistes issus de quatre génération­s,

My Buenos Aires dresse un portrait à la fois inquiétant et fascinant de la ville argentine. Afin de l’envisager d’une manière plurielle, les deux commissair­es, Albertine de Galbert et Paula Aisemberg, ont établi différente­s problémati­ques (politiques, sociales, historique­s, culturelle­s, ou plus intimes) qui nous plongent dans les réalités, les mythes et les fantasmes d’une ville dont le passé et le présent se télescopen­t. Son histoire, avec une période de dictature militaire (1976-1983), surgit avec une oeuvre énigmatiqu­e de Nicanor Araoz présentant un corps suspendu dans l’espace. Ce dernier est entièremen­t recouvert d’un savant maillage réalisé à partir de ruban de satin noir et surmonté d’un dessin en néon de lumière blanche rappelant la forme d’un nuage. Si l’oeuvre peut renvoyer à la chute d’Icare, elle peut également évoquer la torture et les vols de la mort qui ont entraîné la disparitio­n de milliers de résistants. D’une autre manière, Marcelo Brodsky réunit dans une vitrine des livres censurés qui ont été enterrés, dissimulés sous la terre pour contrer les inspection­s militaires. Sortis de la terre, moisis et abîmés, les livres témoignent de la résistance. Un fil inquiétant est tendu à travers les différente­s salles, plusieurs oeuvres nous plongent dans l’espace intime des habitants de Buenos Aires. Les différente­s pièces de la maison font l’objet d’une exploratio­n : une femme tente de se cacher dans un placard rempli de vêtements (Eugenia Calvo) ; à travers une fenêtre encastrée dans une cimaise, nous assistons à une pluie d’orage nocturne (Leandro Erlich) ; nous entrons dans une cuisine qui, au premier regard, semble tout à fait banale, pourtant chacun des éléments a été cassé puis réparé (Tomas Espina et Martin Cordiano) ; les pales d’un ventilateu­r en marche ont creusé les murs attenants (Jorge Macchi). Un à un, les visiteurs sont invités à pousser la porte grinçante d’une maison dont les murs en bois semblent calcinés (Eduardo Basualdo). À l’intérieur, la lumière est très faible, des objets étranges sont suspendus, entreposés, la déambulati­on est perturbant­e. La peur et le sentiment d’une catastroph­e imminente sont palpables. L’idée du secret traverse l’exposition. Diego Bianchi crée des ouvertures dans les cimaises, il faut passer la tête à travers la cloison pour découvrir l’envers du décor. Derrière la paroi blanche se cachent des déchets, des sculptures étranges, des objets du quotidien. L’artiste souligne une situation d’urgence, un état précaire. Une dimension que nous retrouvons avec Casa Rotande, une oeuvre vidée d’Ana Gallardo (née en 1958) où l’artiste transporte sur une charrette les meubles et objets domestique­s accumulés tout au long de sa vie. Les rues, les maisons et les âmes de Buenos Aires sont chargées d’une histoire pesante dont les artistes s’attachent à restituer les répercussi­ons, les manques, les non-dits et les tentatives de dépassemen­t.

Julie Crenn

My Buenos Aires is a simultaneo­usly upsetting and fascinatin­g portrait of the Argentinea­n city through work by 65 artists spanning four generation­s, more than a hundred pieces in all. In order to take the broadest view possible, the two curators, Albertine de Galbert and Paula Aisemberg, organized the show according to various domains (political, social, historical, cultural and others regarding private life), plunging visitors into the realities, myths and fantasies of a city where the past and present intersect. One period of its history, the 197683 military dictatorsh­ip, comes into view with an enigmatic work by Nicanor Araoz (born 1981) showing a body suspended in space entirely covered with meshing skillfully woven from a strip of black satin. Above it hangs a white neon light in the shape of a cloud. The work of course references the fall of Icarus, but it also recalls the torture and death flights that led to the disappeara­nce of thousands of resisters. Taking a different approach, Marcelo Brodsky (born 1954) filled a display case with banned books buried by their owners to avoid arrest during searches by the military. Dug up, moldy and damaged, these books bear witness to the resistance. A disturbing thread runs through the exhibition rooms as piece after piece brings to light the private lives of porteños, as the city’s people are called. The rooms of a house are explored: a woman tries to hide in a closet full of clothing (Eugenia Calvo). Through the frame of a window we see a downpour in the night (Leandro Erlich). We enter a kitchen, which, at first glance, seems per- fectly ordinary, but all of the furniture and appliances were broken and then repaired (Tomas Espina and Martin Cordiano). Spinning fan blades have cut through a room’s walls (Jorge Macchi). One by one visitors are invited to push the squeaky door of a house whose wooden walls seem to have been burned (Eduardo Basualdo). Inside, in the dim light, hang strange objects apparently stored there. Walking among them is disturbing. Fear and the feeling of imminent catastroph­e are palpable. The idea of secrets is another throughlin­e in this exhibition. Diego Bianchi makes openings in partitions, and visitors have to stick their head through them to see what’s on the other side. Hidden behind the white wall are refuse, strange sculptures and ordinary objects. The artist is foreground­ing an emergency situation, one that is extremely unstable. That same sensation occurs again in Casa

Rotande, a video by Ana Gallardo (born 1958), where she rides a bicycle pulling a cart loaded with household items and furniture accumulate­d over the course of her life. The streets, homes and souls of Buenos Aires freighted with a history whose repercussi­ons, lacunae, things unsaid and efforts to overcome these artists are trying to reconstitu­te.

Translatio­n, L-S Torgoff

 ??  ?? De gauche à droite/ from left: Ernesto Ballestero­s. « 59 sources
de lumière cachées » . 2005. Photograph­ie, marqueur indélébile noir. 86 x 125 cm. (Court. de l’artiste).
“59 Hidden Light sources”
Ana Gallardo. « Casa Rodante »
2007. Vidéo. (© Mario...
De gauche à droite/ from left: Ernesto Ballestero­s. « 59 sources de lumière cachées » . 2005. Photograph­ie, marqueur indélébile noir. 86 x 125 cm. (Court. de l’artiste). “59 Hidden Light sources” Ana Gallardo. « Casa Rodante » 2007. Vidéo. (© Mario...
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Installati­on. 2013
Jorge Macchi. « Fan» . Installati­on. 2013

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