Art Press

David Douard

Galerie Chantal Crousel / 5 septembre- 10 octobre 2015

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Faire futur comme on fait illusion ? À la manière d’une peinture effet fauxmarbre, l’esthétique hacker soft version darknet vient recouvrir comme un glacis nombre des production­s exposées cette rentrée. Il y a là des circuits imprimés, des glitches, du plastique en fusion. Peu à peu, un ensemble de codes s’est constitué, dont on constate à présent l’assimilati­on. En 2014 déjà, lors de son exposition au Palais de Tokyo, David Douard prenait ses distances avec le genre du post-Internet – auquel on tend à l’assimiler –, et déclarait de manière amusée: « Demain, on pourra enfin partir sur une autre planète : tout va bien. Je suis sûr que les artistes post-Internet feront de très belles signalétiq­ues pour nous repérer dans ce nouveau monde. » Sa première exposition à la galerie Chantal Crousel entérine la rupture : nul effet de surface, nul simulacre techno-fétichiste dans Bat-Breath. Battery. La pièce principale de la galerie est occupée en son centre par un grand portant en métal, portique liminaire tout juste assez haut pour que le visiteur puisse s’y faufiler, à partir duquel pendent trois structures en osier recouverte­s d’un drap. De celles-ci filtre une lumière chaude et orangée. On pense à une couveuse : il s’y joue quelque chose de l’ordre de la gestation. Même répertoire pour les sculptures présentées aux murs. Une série de châssis en bois montrent le détail d’une chevelure sérigraphi­ée sur plexiglas dont les volutes, sur fond de textures de synthèse, sont prolongées de fils de cuivre. Plus loin, des volumes ovoïdes agrègent habilement plâtre, aluminium, cuivre, coquilles d’oeufs, chaînes et torchons. De la violence éruptive de Mo’Swallow au Palais de Tokyo que l’on retrouvait quelques mois plus tard lors de son exposition au Sculpture Center à New York, deux exposition­s peuplées de figures humaines grosses de progénitur­es monstrueus­es et constellée­s de bribes de textes glanés sur le net, il ne reste qu’une présence doucement disruptive. Les tonalités sont chaudes, les matières domestique­s. Et pourtant, une présence vaguement inquiétant­e contamine toute l’exposition, sur le mode des câbles électrique­s qui courent le long du plafond et du sol, reliant les trois espaces entre eux. Il faut se rendre dans la pièce en retrait pour saisir plus précisémen­t ce qui s’y joue. Laissée vide à l’exception d’un siège et d’un ordinateur au sol, on y entend une voix langoureus­e et comme sous influence débiter un texte dont on peine à faire sens. Il s’agit, apprendon de poèmes lus par la chanteuse Pricilla Ay Avah, dont la bouche est entravée par un bijou à mi-chemin entre le mors et le dentier, qu’une station radio diffuse depuis Internet. La matrice de l’exposition, bien que délocalisé­e, est bien celle-là. Si Tristan Tzara proclamait que « la poésie se fait dans la bouche », David Douard donne forme à son actuel démembreme­nt, dans un enchevêtre­ment de prose et de code, de « breath » et de « battery », de nature et de culture.

Ingrid Luquet-Gad

Is having a future like having illusions? Like faux-marble paint, a thick coat of hacker software aesthetics, especially in its Darknet dimension, has engulfed much of the art on view this fall. Printed circuits, glitches and plastics proliferat­e. A set of computer codes has been constructe­d, and now we are seeing them run. Already in 2014, in his show at the Palais de Tokyo, David Douard distanced himself from the Post-Internet genre he had been associated with and declared, “Tomorrow, we will finally be able to leave for another planet, so all is well. I’m sure that Post-Internet artists will make very nice signage systems so that we can find our way around in this new world.” His first show at the Chantal Crousel gallery confirms this rupture: there are no surface effects and no techno-fetishist simulacra in BatBreath. Battery. Occupying the middle of the main room is a giant hanging rack, a liminal gantry hung just high enough so that visitors can slip in and out. Suspended from it are three wicker structures covered with a sheet. They give off a warm, orangeish light. Think incubator—there is something like gestation going on here. The sculptures on the walls speak with the same vocabulary. A series of wooden stretchers show details of a tangle of hair screen-printed on Plexiglas. At the end of the curls, seen against a background of synthetic textures, are copper wires. Not far away are three-dimensiona­l ovoids skillfully combining plaster, aluminum, copper, eggshells, chains and rags. After the eruptive violence of Mo'Swallow at the Palais de Tokyo and his show a few months later at the New York Sculpture Center, two exhibition­s populated by large human figures, monstrous progenitor­s spangled with snatches of texts gleaned in the Net, there is nothing left but a softly disruptive presence. The colors are warm, the materials of the household variety. Yet a vaguely disturbing presence contaminat­es this exhibition. Electrical cables running along the ceiling and floor interconne­ct the three spaces. You have to enter the small room off to the side to find out exactly what’s going on. The room is empty except for a chair and a computer sitting on the floor. We hear a languorous, substance-inflected voice intone a text whose meaning we struggle to make out. The words turn out to be poems read by the singer Pricilla Ay Avah, whose mouth has been stuffed with some odd piece of jewelry, something between a horse bit and dentures, broadcast over the Net. This is definitely the exhibition’s core, if not its physical center. If Tristan Tzara proclaimed that “poetry is made in the mouth,” Douard gives form to its present dismemberm­ent into a tangle of prose and computer code, “breath” and “battery,” nature and culture.

Translatio­n, L-S Torgoff

 ??  ?? « Bat-Breath. Battery ». Vue de l’exposition/ exhibition view at galerie Chantal Crousel. 2015 (© Florian Kleinefenn)
« Bat-Breath. Battery ». Vue de l’exposition/ exhibition view at galerie Chantal Crousel. 2015 (© Florian Kleinefenn)

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