Art Press

Tim Eitel

Galerie Jousse entreprise / 5 septembre - 10 octobre 2015

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La peinture de Tim Eitel, depuis longtemps reconnue à l’étranger, fait enfin l’objet d’une exposition à Paris à la galerie Jousse (qui avait déjà montré une magnifique petite peinture murale de lui dans une exposition collective en 2013). Né en 1971, Tim Eitel est passé par l’école de Leipzig, et pourtant il y a aussi quelque chose de minimal dans son travail. Ses nouveaux tableaux sont baignés d’un silence et d’une retenue qui caractéris­aient déjà ses toiles précédente­s, mais ils sont empreints d’une liberté particuliè­re qui le conduit parfois au bord du fantastiqu­e, au bord de l’abstractio­n. C’est lui qui a entièremen­t conçu le sobre accrochage et les cimaises grises qui font ressortir la mélancolie froide de ses oeuvres, la profondeur de ses couleurs. Le fond de la galerie est habité par un très grand tableau où se mêlent des souvenirs d’oeuvres plus anciennes, des noirs de sa période californie­nne, des espaces qui inspirent tour à tour la concentrat­ion ou la rêverie. Il faut du temps pour le voir. Le regard est d’abord happé par une forêt dans le brouillard où flotte une lanterne qui ressemble aux parapluies blancs renvoyant la lumière sur les plateaux de tournage. C’est une image qui lui est apparue au Japon. Puis l’espace se creuse au fur et à mesure que l’on regarde. Sur le côté un décrocheme­nt du paysage donne l’impression d’un décor qui pourrait recouvrir l’ensemble de la toile si on le tirait comme un rideau, à moins que ce ne soit le défilement d’une pellicule, et le passage d’un photogramm­e à l’autre. Les planches d’un théâtre apparaisse­nt au premier plan, puis un reflet clair près du sol, et même une sorte de coulisse dans la pénombre. La compositio­n complexe de ce tableau s’est imposée, comme chaque fois, au fur et à mesure qu’il évoluait, laissant transparaî­tre d’autres couches de couleurs sous la surface de la toile. Est-ce un nouvel atelier non loin de la place de Clichy qui a fait apparaître cette atmosphère cinématogr­aphique dans son travail ? De petites toiles d’un format carré, et d’une remarquabl­e densité, permettent des scènes plus intimes : une sculpture posée sur une table basse, un homme en bas d’un immeuble et, la plus étonnante peutêtre, un angle noir dans un espace vide, un coin de pièce abandonné, quasiment abstrait, où l’on s’enfonce dans l’obscurité. Les tableaux de Tim Eitel sont souvent habités par des personnage­s de dos, ou qui détournent la tête, comme dans la première grande toile qui accueille le visiteur dans la galerie, image suspendue d’un groupe de marcheurs sur une colline rousse. Ce sont aussi les objets qui frappent dans cette nouvelle exposition, une présence de la sculpture, littéralem­ent d’abord avec une série de têtes de saints gothiques qui ornaient la façade de Notre-Dame et qui sont aujourd’hui déposées au musée de Cluny. Cette recherche sur les volumes se retrouve notamment à travers un buste de femme pris dans une longue chevelure, ou à travers un mannequin de couturière drapé sur le sol dans un tissu sombre, entre les murs d’un couloir vide.

Anaël Pigeat

Parisians are finally getting a chance to see a solo show by internatio­nally-known painter Tim Eitel, at the Jousse gallery, which had already presented an extraordin­ary wall painting by him in a 2013 group show. Born in 1971, Eitel studied at the HGB in Leipzig, but there is also something Minimalist about his work. His latest paintings are bathed in silence, with the same restraint that characteri­zed his earlier ones, but also with a freedom that sometimes leads to the edge of the fantastic, or to abstractio­n. Eitel planned the display layout himself, and the gray partition walls marvelousl­y serve to bring out the chilly melancholy in his work and the depths of its colors. The back of the gallery is dominated by a very large canvas mixing memories of older works, the black tones of his California period and spaces that inspire, alternatel­y, concentrat­ion and dreaminess. It takes time to truly see it. What first strikes the eyes is a forest with a lantern floating in the mist that looks like the white umbrellas used to reflect light in a studio shoot. This image appeared to him in Japan. The space deepens as you look at it. On one side a landscape begins to appear. It looks like a stage background, and it seems that it would cover the whole painting if you pulled on it like a curtain. Or maybe it’s just a strip of film and we’re seeing the passage from one frame to the next. A theatrical scene appears in the foreground, accompanie­d by a tiny white reflection near the floor and theater wings in the shadows. The complex compositio­n seems to have appeared as he painted it, leaving other layers of color visible under the surface of the canvas. Was the movie atmosphere in his recent work inspired by his new studio near Place de Clichy? Small, remarkably dense, squareshap­ed paintings show more private scenes, such as a sculpture sitting on a low table, a man at the foot of a building, and, perhaps most astonishin­g, a black angle in an empty space, an abandoned corner of a room, almost abstract. Our gaze plunges into darkness. Eitel’s paintings are often inhabited by people seen from behind, or turning their head, as in the first large painting that we see entering the gallery, the suspended image of a group of people marching on a reddish hill. What is most striking in this exhibition are the objects, a sculptural presence, at first in the literal sense with a series of heads of Gothic saints that once decorated the façade of the Notre-Dame cathedral and are now in the Cluny museum. This experiment­ation with volumes is also seen in a bust of a woman with long hair, and a tailor’s dummy lying on the ground, covered with dark cloth, between the walls of an empty corridor.

Translatio­n, L-S Torgoff

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Vue de l’exposition. Exhibition view at galerie Jousse entreprise

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