Peindre, dit-elle
Musée départemental d’art contemporain / 9 octobre - 15 décembre 2015 Présentée comme la « réunion réjouissante et non exhaustive d’artistes confirmées et émergentes », cette exposition, conjointement organisée par Annabelle Ténèze et Julie Crenn, rassemblait dix-neuf femmes peintres. À raison d’une oeuvre par artiste. Manifeste d’un propos mais non d’une esthétique, elle mêlait les styles les plus différents en un accrochage et des espaces scénographiques inégaux. Son mérite tient toutefois à mettre en exergue le retour du regard sur la peinture à travers une production féminine qui explore toutes sortes de pistes, sans tabous ni retenue, et avec cette conviction, voire cette foi en un mode que d’aucuns ont enterré depuis longtemps. C’est dire la mesure de résistance de ce rassemblement. Qu’il s’agisse de sujet, de composition, de figuration, d’abstraction, de couleur ou de facture, Peindre, dit-elle orchestrait le possible de la peinture en un florilège peut-être « réjouissant » mais qui souffrait d’un manque de discernement. Non seulement dans le contenu mais dans le propos luimême, de sorte que certaines – Bertrand, Childress, Cussol, Lesourd, Levasseur, Maris, Nielsen, Tabouret – l’emportaient haut la main. Peut-être aurait-il été plus intéressant de réduire le nombre de participantes, d’exposer plus d’oeuvres de chacune d’elles, pour expliciter plus avantageusement le propos. Certes, comme il est rappelé, « le sujet n’est pas le féminin », mais celui des femmes et de la peinture ne nécessite pas forcément le nombre. Presented as “the gladdening and non-exhaustive gathering of established and emerging artists,” this exhibition co-organized by Annabelle Ténèze and Julie Crenn brought together no less than nineteen women painters. One work per artist. The manifesto of an idea if not an aesthetic, the show combined highly diverse styles in a hanging and in zones of display that were uneven. Its merit, nevertheless, was to show the renewal of interest in painting through the work of women exploring all kinds of directions, without taboo or restraint, and with a real belief, or even a faith, in a medium that many left for dead decades ago. All in all, then, there’s a lot of resisting going on here. Whether in terms of subject, composition, figuration, abstraction, color or handling, Peindre, dit- elle orchestrated the possible all of painting in an anthology that was maybe “heartening” but that also suffered from a lack of discernment. Not only in content but also in terms of ideas, with the result that certain artists—Bertrand, Childress, Cussol, Lesourd, Levasseur, Maris, Nielsen, Tabouret—stood head and shoulders above the rest. Perhaps it would have been more interesting to reduce the number of participants and exhibit more works by each, to bring out the ideas better. Certainly, as is recalled here, “the subject is not the feminine,” but that of women and painting doesn’t necessarily call for large numbers.
Translation, C. Penwarden Les oeuvres récentes d’Yto Barrada frappent par leur hétérogénéité et la rupture qu’elles introduisent avec ses travaux les plus connus. Aux images ambiguës d’un Maroc d’aujourd’hui souvent photographié de biais, Barrada semble désormais préférer le patrimoine et les musées qu’elle livre frontalement : paysages qui suivent la route marocaine des dinosaures, photographies d’artefacts à la manière d’un inventaire muséal (dessins et jouets collectés par des ethnologues en Afrique du Nord dans les années 1930), recueils de tesselles et objets artisanaux (tapis berbères du milieu du 20e siècle ou assemblages de plombiers de Tanger) qui esquissent, sous le patronage du maréchal Lyautey, une histoire très partielle des formes vernaculaires au Maghreb. Pas évidente, étant donné la matière composite et lacunaire de l’exposition, sa réussite réside dans la capacité de l’artiste à tenir le spectateur par des correspondances chromatiques, formelles et thématiques et, en même temps, à le soumettre à un principe général d’incertitude. Ce dernier est incarné par les fossiles, leurs mystères et les faux qu’ils ont suscités, au Maroc notamment où une économie s’est développée. Le film Faux Départ, des photographies et des objets la documentent avec rigueur. Mais l’artiste en joue aussi en présentant des faux de son élaboration. Par contamination et par analogie entre ces empreintes que sont fossiles et photographies, la bien nommée exposition Faux Guide rappelle ainsi que Barrada ne sacrifiera jamais complètement à l’objectivité affichée de ses photographies muséales. Yto Barrada’s recent work is striking for its diversity and the rupture it represents with her best-know photos. In contrast to her earlier, ambiguous, often slanted images of contemporary Morocco, now she seems to prefer frontal views of heritage sites and museums— dinosaur digs, photos of artifacts in the style of a museum inventory (drawings and toys collected by ethnologists of North Africa since the 1930s), sets of tesserae and hand-made items (mid-twentieth century Berber rugs and assemblages of plumbing materials from Tangiers) collected by the turn of the twentieth century French colonial administrator General Lyautey. The result is a rather patchy history of Maghrebian vernacular objects. Despite this exhibition’s deliberately eclectic and incomplete character, what makes it unexpectedly successful is Barrada’s ability to hold visitors’ attention through her use of chromatic, formal and thematic correspondences and at the same time leave them in a state of incertitude. This is best characterized by her use of fossils and the sense of mystery they have inspired, along with numerous fakes. In Morocco especially, their fabrication has become a cottage industry. All this is rigorously documented in her film Faux départ, with photos and “real objects,” alongside the fakes she playfully made herself. By analogy and contamination, the well-named show Faux guide reminds us that Barrada never fully commits to the apparent objectivity of her museum-like photos.
Translation, L-S Torgoff