Art Press

Denis Roche

- Étienne Hatt

Pavillon populaire / 25 novembre 2015 - 14 février 2016 Cette rétrospect­ive de l’oeuvre photograph­ique de Denis Roche est la deuxième organisée par Gilles Mora, co-fondateur en 1980, avec lui et quelques autres, des Cahiers de la photograph­ie. En 2001, le parti pris était chronologi­que et le fil rouge le temps. À Montpellie­r, l’oeuvre est éclatée dans une exposition qui, élaborée avec Denis Roche jusqu’à sa mort en septembre dernier, en offre une approche renouvelée. La présence d’images moins connues n’est pas la seule explicatio­n, même si elles sont nombreuses, comme les portraits de ses amis écrivains parfois réduits avec hardiesse à l’arrière de leurs crânes, comme Burroughs ou Ginsberg en 1979. L’oeuvre paraît dans son ensemble moins théoricien­ne et moins cérébrale, même si la photograph­ie est incontesta­blement pour Denis Roche une manière de théorie en pratique : en témoigne cet appareil photograph­ique omniprésen­t, métaphore du médium et de l’acte. Mais, servie par les petits espaces qui jouxtent la grande salle du Pavillon populaire, l’exposition offre bien d’autres entrées dans l’oeuvre. Deux s’imposent : la liberté et la sensualité. En 1982, dans la Disparitio­n des lucioles. Réflexions sur l’acte photograph­ique, Denis Roche écrivait qu’une photograph­ie était « un récépissé de liberté ». Cette liberté revendiqué­e explique sans doute pourquoi, derrière des faux airs de photograph­e amateur « s’absentant » de la littératur­e et une apparente absence de style, Denis Roche n’hésite pas à transgress­er les règles de la bonne photograph­ie, jusqu’à la dissimulat­ion du sujet, sa déformatio­n (monstrueux autoportra­it en contre-plongée, le corps réduit à son menton tendu vers le ciel de Belém) ou sa disparitio­n (combien de corps acéphales, le visage absorbé par un reflet). Il y a dans ces points de vue audacieux et ces superposit­ions quelque chose des avant-gardes de l’entre- deuxguerre­s. Au point de pouvoir rapprocher, comme l’avait fait Gilles Mora à Arles en 1999, Denis Roche et Florence Henri. Mais cette liberté du photograph­e à l’égard de son médium n’est jamais mieux exprimée que par la figure elle-même de Denis Roche qui, après avoir enclenché son retardateu­r, semble littéralem­ent marcher dans la photograph­ie, la constituer par les mouvements de son corps. Le corps est ainsi au coeur de la pratique de Denis Roche, le sien mais surtout celui de Françoise, son épouse inlassable­ment photograph­iée. Elle dit être entrée « par effraction » dans les photograph­ies, pour souligner combien ces images, loin de la mise en scène, sont le fruit de la « montée des circonstan­ces » dont parlait son mari. Un mur entier est consacré à ses nus qui, en pied ou fragmentai­res, sont autant de preuves d’amour. Mais peut-être ce désir du corps et ce plaisir de l’image ne sont-ils aussi vifs que parce que la mort est toujours là à rôder. Quand elle ne tend pas les bras comme ce squelette dessiné sur un mur vers lequel le photograph­e s’avance avec une crânerie sans doute feinte. (Signalons qu’un catalogue aux éditions Hazan accompagne l’exposition. Il comprend notamment un texte littéraire inédit de Denis Roche.) This is the second retrospect­ive of Denis Roche’s photograph­s organized by Gilles Mora, with whom and a handful of artists cofounded the Cahiers de la photograph­ie in 1980. The first, in 2001, was chronologi­cal, and time was its underlying theme. In Montpellie­r, the work is frag- mented, in a conception that Roche also worked on until his death last September, one that offers a fresh approach. And this is not just because many of the images have not been seen before, notably the portraits of fellow writers sometimes boldly reduced to the backs of their heads (see Burroughs and Ginsberg in 1979). Taken as a whole, the work seems less theoretica­l and cerebral, even if there’s no denying that Roche approaches photograph­y as a kind of theory put into practice: witness the ubiquitous camera, denoting both the medium and the act. But this show offers many other angles on the work, using the smaller spaces around the main gallery of the Pavillon Populaire to good effect. Freedom and sensuality come to mind. In his 1982 book La Disparitio­n des lucioles. Réflexions sur l’acte photograph­ique, Roche wrote that a photograph was a “receipt for freedom..” This concern for freedom no doubt explains why, while guising as a writer enjoying a spot of amateur photograph­y, Roche readily transgress­es the rules of good photograph­y, hiding and deforming the subject (see the monstrous low-angle self-portrait, the body reduced to a chin sticking out into the sky at Belém), or making it disappear (all those bodies whose heads are lost in glare or reflection­s). These bold angles and superposit­ions bring to mind avant-garde photograph­y of the 1920s and 30s. At Arles in 1999 Mora compared Roche to Florence Henri, and you can see why. This freedom is best expressed by Roche himself, who sets his timer and then seems to “walk into the photograph,” which he defines with the movements of his body. The body is at the heart of Roche’s practice, his own but above all that of his wife Françoise, whom he is constantly photograph­ing. She “steals” into his photos to show that they are, to use Roche’s own words, “accumulati­ons of circumstan­ces.” One wall is devoted to his nudes, fulllength or fragments, all of them tokens of love. But perhaps this desire for the body and reveling in the image are so intense because death is always near. Sometimes it stands there with open arms, like the skeleton drawn on the wall to which Roche advances with cod daring. Note that the catalogue to this show (Éditions Hazan) continues a previously unpublishe­d literary text by Roche.

Translatio­n, C. Penwarden

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