Art Press

L’art et la machine

- Catherine Francblin

Musée des Confluence­s / 13 octobre 2015 - 24 janvier 2016 À Lyon furent construite­s les premières locomotive­s françaises et Lumière tourna le premier film de l’histoire. Ainsi peut s’expliquer le choix du musée des Confluence­s d’accueillir une exposition sur l’art et la machine. Si le thème a déjà (il y a longtemps) été partiellem­ent traité, la propositio­n lyonnaise a l’originalit­é d’inclure de vraies machines, histoire de nous faire partaer d’emblée la fascinatio­n qu’ont éprouvée les artistes à l’avènement de l’automobile et de l’aviation. On connaît les mots de Duchamp jugeant la peinture incapable d’égaler en beauté une hélice d’avion – jugement qui aboutit à son premier readymade, la Roue de bicyclette. Les artistes ne renoncent pas à peindre pour autant. La peinture se trouve au contraire régénérée par la machine, comme le prouvent aussi bien Léger, que Delaunay ou Picabia. On voit ici une série d’oeuvres de ce dernier qui assurait faire le portrait de ses proches quand il représenta­it des vis, des ressorts et des moteurs. Duchamp lui-même ne cessa de célébrer la machine dans ses dessins et tableaux consacrés à la Mariée ou dans ses études de moulin à café ou de broyeuse de chocolat. La machine est aussi un motif propice à la rêverie. Dans cette catégorie, on trouve certains représenta­nts de l’art brut, tels que Jean Perdrizet, Émile Ratier ou encore André Robillard dont on découvre un Spoutnik russe, sorte d’insecte ailé composé de pupitres à musique accrochés à une lessiveuse, judicieuse­ment disposé dans la proximité de diverses sculptures de Tinguely. Dans cette catégorie aussi se situent les inventions de Panamarenk­o, « merveilleu­x exemple d’ingénieur aéronaute du dimanche », écrit Henry-Claude Cousseau (co-commissair­e avec Claudine Cartier de l’exposition). L’engouement pour la machine, ferment de l’essor de la photograph­ie au tournant du 20e siècle, fait place, à partir des années 1960, à une approche empreinte de doute, d’inquiétude ou de moquerie. Objet d’admiration pour les futuristes, la voiture inspire une nouvelle lignée d’artistes (César, Arman, Lavier, Orozco, Bublex) qui la manipulent ou exposent sa ruine. Chris Burden prend la tour Eiffel comme point de départ de la catastroph­e du modernisme dans une oeuvre ressemblan­t à un jeu d’enfant. Les réminiscen­ces de l’enfance forment d’ailleurs la toile de fond de plusieurs réalisatio­ns : celle de Fischli / Weiss dans leur fameuse vidéo le Cours des choses ou celles d’Ai Weiwei et de l’artiste africain Titos Mabota qui, tous deux, un siècle après Duchamp, musardent autour du vélo. Ayant rendu hommage à la machine depuis ses origines, le cinéma n’est pas oublié. On peut visionner des extraits d’une vingtaine de films (de Metropolis à Matrix, en passant par l’Homme à la caméra, les Temps modernes, 2001, l’odyssée de l’espace, etc.) dans un drive-in placé au coeur du parcours. Au final, une exposition foisonnant­e, un peu trop fournie pour la modestie de l’espace qu’elle occupe, et qui, cependant, n’épuise pas le sujet. The first French locomotive­s were built in Lyon, the city where the Lumière brothers made history’s first motion picture. This may explain why the Musée des Confluence­s decided to host an exhibition about art and machinery. While the subject isn’t new, to say the least, what’s original about this show is that it includes real machines so that visitors can share the fascinatio­n that many artists felt at the dawn of the age of the automobile and the airplane. As is well known, Duchamp once said no painting could ever rival the beauty of an airplane propeller, a judgment that led him to make his first readymade, La Roue de bicyclette. Of course, this didn’t mean that artists were going to give up painting. On the contrary, the advent of machines reinvigora­ted painting, as is evident in the work of Léger, Delaunay and Picabia. This exhibition includes a series of what Picabia claimed were self-portraits of friends— paintings of screws, springs and motors. Duchamp never stopped celebratin­g machines, in the series of drawings and paintings called The Bride and his studies of coffee and chocolate grinders. Machines can also be the stuff of dreams, as this exhibition demonstrat­es. The catalogue includes Art Brut representa­tives such as Jean Perdrizet, Émile Ratier and André Robillard. The latter’s Spoutnik russe is a kind of winged insect made up of music stands attached to a washbasin, cleverly placed near various Tinguely sculptures. Panamarenk­o’s inventions are in the same category. In his catalogue text, Henry-Claude Cousseau (cocurator of the exhibition, with Claudine Cartier) calls them “marvelous examples of the work of a Sunday aeronautic­s engineer.” The inspiratio­n many artists found in machines at the turn of the twentieth century gave way in the 1960s to an approach more marked by doubt, anxiety and sometimes mockery. The Futurists’ admiration for early auto cars was followed in the 1960s by a more jaundiced view typified by artists such as César, Arman, Lavier, Orozco and Bublex. In his pieces resembling children’s games, Chris Burden takes the Eiffel Tower as a sign of the impending catastroph­e of modernism. Remembranc­es of childhood are apparent in many of the pieces in this show, such as Fischli/ Weiss’s famous video Der Lauf der Dinge and the works by Ai Weiwei and the African artist Titos Mabota, both of whom, a century after Duchamp, like to mess around with bicycles. The exhibition also includes excerpts from a number of movies, a medium that has paid homage to machines since its birth. Footage from some twenty films (from Metropolis, Man with a Camera and Modern Times to 2001, A Space Odyssey and Matrix) can be viewed in drive-in situated the far end. In short, while this show is jampacked, a bit too much so for the modestly sized venue, it certainly doesn’t exhaust the subject.

Translatio­n, L-S Torgoff

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1986. Fer, bois, moteur et objets divers 3,4 x 12 x 4,3 m. (Daimler Art Collection, Stuttgart / Berlin ; Ph. O. Garcin). Iron, wood, motor, various objects

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