Art Press

I love John Giorno

- Anaël Pigeat

Palais de Tokyo / 21 octobre 2015 - 10 janvier 2016 L’exposition d’Ugo Rondinone, I Love John Giorno, a la limpidité de la parole du poète. C’est une mise en espace par son compagnon de vingt ans de cet « esprit mis à nu » ( the naked mind) auquel aspire John Giorno. Objet hybride et original, l’exposition qui est aussi une oeuvre d’Ugo Rondinone est à la fois une déclaratio­n d’amour pleine de pudeur, la traversée d’un siècle de création, un portrait fort peu classique, une exposition collective qui dessine la filiation artistique de Giorno. C’est aussi une exposition de poésie qui en contourne tous les écueils, où la plasticité du langage devient une évidence. Eating the sky. We gave a party for the Gods and the Gods all came: la langue de Giorno est montrée en images sous la forme de ses tableaux-poèmes accrochés aux murs, et distribuée en photocopie­s par des médiateurs en rollers. Elle apparaît aussi à travers les mouvements des lettres sur des écrans de karaoké, et les sons de Dial-APoem (1968), recréé dans une version enrichie qui permet aux visiteurs d’entendre la voix de Giorno depuis l’exposition ou depuis tout téléphone ordinaire (au 0800 146 146). Entre une grande violence du verbe et la joie profonde d’un hymne à la vie, l’exposition s’ouvre sur une magnifique installati­on de Rondinone qui a filmé Giorno au Palais des glaces en train de dire son texte Thanks for Nothing avec la souplesse, les soubresaut­s rythmés et l’élégance qui le caractéris­ent. Comme le souligne Florence Ostende, la commissair­e de l’exposition, les plans de coupe y sont innombrabl­es et se prolongent en effets de miroirs. Pour le deuxième chapitre, Ugo Rondinone a fait reproduire, sur des feuilles A4 multicolor­es, toutes les archives accumulées par Giorno depuis 1936. Il les a fait coller au mur en ordre chronologi­que, dans une mosaïque qui évoque les vitraux d’une cathédrale, et qui résonne curieuseme­nt avec l’exceptionn­el accrochage des Shadows de Warhol juste en face, au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Dans un cas comme dans l’autre, la courbe du mur invite à une promenade qui donne la sensation du temps comme une boucle. Plus encore que le formidable commissair­e qu’il s’était révélé être avec l’exposition The Third Mind au Palais de Tokyo en 2007, c’est vraiment l’artiste Ugo Rondinone qui s’exprime ici. À l’image de cette salle d’archives, il n’y a pas dans l’exposition d’oeuvre originale. Dans une section dont le commissari­at est assuré par Matthew Higgs, le label Giorno Poetry System, avec lequel ont été produits de nombreux disques et objets entre 1965 et 2007, est évoqué avec des enregistre­ments et des photograph­ies de pochettes de disque. Le célèbre Sleep de Warhol est projeté dans une salle où il est entouré notamment de quelques films inédits de Warhol, dont l’atmosphère intime rappelle les Diaries de Jonas Mekas. Une autre salle est consacrée au bouddhisme que Giorno pratique depuis le début des années 1970; une recréation de son autel new-yorkais dialogue avec une oeuvre de Rondinone, moulage de la cheminée de l’atelier de Giorno. Autre reconstitu­tion : celle de l’atelier de Giorno, conçue par Rirkrit Tiravanija dans un bel hommage. Cette constructi­on est entourée de quelques portraits par des artistes plus jeunes, pour qui l’héritage de Giorno n’a pas fini de résonner. This exhibition by Ugo Rondinone, I Love John Giorno, is as limpid as its subject’s poetry. The “naked mind” that Giorno aspires to express is presented in spatial form by his companion of twenty years standing. This hybrid, original exhibition is also a work by Ugo Rondinone. It is a very delicate declaratio­n of love, a journey into decades of creativity, a very unusual portrait, and a group show placing Giorno in his wider creative universe. It is an exhibition of poetry that avoids all the usual pitfalls, making the plasticity of language the most natural thing in the world. Eating the sky. We gave a party for the Gods and the Gods all came: Giorno’s language is shown in images, in the form of poempictur­es, handed out by mediators on roller-skates. It also appears in the form of moving letters on karaoke screens, and in the sounds of Dial-A-Poem (1968), recreated and enriched in a version in which visitors can hear Giorno’s voice, either at the show or by dialing 0800 146 146 on any phone. Between its acute verbal violence and the deep joy of a hymn to life, the exhibition opens with a magnificen­t installati­on in which Giorno, filmed by Rondinone, reads his text Thanks for Nothing at the Palais des Glaces, with his trademark litheness, rhythmic twists and elegance. As the curator of this show, Florence Ostende, points out, the countless cutaways in this film are extended by the mirror effects. In the next room, Rondinone has reproduced all the archives accumulate­d by Giorno in his life of work on A4 sheets and laid them out by year in binders on tables, while covering the walls with the same reproducti­ons in fluorescen­t colors. This Day-Glo echo of stained glass in a cathedral sets up a curious echo with the installati­on of Warhol’s Shadows over the square at the Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. In both cases, the curving wall creates a sensation of time as a loop. Rondinone had already shown himself to be quite a curator with his The Third Mind show at the Palais de Tokyo in 2007, but here he is expressing himself as an artist. There are no original works in this exhibition. Another section curated by Matthew Higgs evokes the various production­s of Giorno Poetry System, which produced numerous discs and objects between 1965 and 2007, with recordings and photograph­s of record covers. Warhol’s famous Sleep (featuring Giorno) is projected in a room with a few other, previously unshown films by Warhol, the intimate atmosphere of which recalls the Diaries of Jonas Mekas. Another room is dedicated to Buddhism, which Giorno has practiced since the early 1970s. A recreation of his personal altar dialogues with a work by Rondinone, a cast of Giorno’s fireplace in New York. Another recreation, conceived this time by Rirkrit Tiravanija in a fine homage, gives us Giorno’s studio. This constructi­on is surrounded by portraits from younger artists, for whom Giorno’s legacy is still DayGlo-sharp.

Translatio­n, C. Penwarden

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