Howard Hodgkin
Galerie Éric Dupont / 10 octobre - 14 novembre 2015 Howard Hodgkin a fait le choix de la peinture, et ce, de manière absolue. Sans jamais céder aux effets de mode. Né en 1932 à Londres, il fait partie de cette génération d’artistes anglais comme David Hockney, Allen Jones ou Peter Blake qui ont commencé à créer à la fin des années 1950. Quand bien même on qualifie sa période des années 1960 de pop, il déploie rapidement une oeuvre picturale très personnelle et doit attendre près de trente ans avant de bénéficier d’une véritable reconnaissance. Une première sortie de l’ombre commence dans les années 1980 avec la Biennale de Venise en 1984 et le Turner Prize l’année suivante, puis en 1995 avec une grande exposition au Metropolitan Museum of Art de New York. En 2014, il est pourtant presque inconnu en France lorsque la galerie Gagosian décide de montrer son travail à Paris. Sa présence à la galerie Éric Dupont, n’en est donc que plus remarquable. L’artiste y présente dix-sept gravures récentes, datées de 1990 à 2014, majoritairement réalisées au carborundum avec parfois des rehauts de peinture et un recours à l’aquatinte. Comme dans ses peintures, il opte le plus souvent pour des petits ou des moyens formats, et manie les couleurs avec audace et liberté, sans crainte des dissonances. S’affrontent et s’entrechoquent des verts chatoyants, des oranges stridents, des jaunes acides, des rouges flamboyants, des bleus profonds, des bruns inquiétants. Howard Hodgkin a souvent été comparé à Turner et aux paysagistes anglais, mais on pense aussi à Matisse et à la puissance de ses juxtapositions colorées. Comme dans une symphonie musicale, l’accrochage en joue, créant des effets de résonance et de dialogue entre les gravures ellesmêmes, amplifiant ainsi le plaisir du visiteur à être plongé, voire enseveli dans la couleur. Des formes tantôt organiques, tantôt géométriques se dessinent, mais sans vraiment pouvoir être rattachées à un espace illusionniste. Pour autant, Howard Hodgkin refuse d’être qualifié de peintre abstrait. Son travail se situe au-delà de l’alternative abstraction / figuration. Chacune de ses gravures, comme ses peintures d’ailleurs, se réfère au souvenir d’une émotion, d’un voyage, d’un dîner entre amis. « Je peins des tableaux représentatifs de situations émotionnelles », a-t-il déclaré un jour. Un peu comme la petite madeleine de Proust, c’est tout un monde que chaque gravure semble vouloir faire renaître. Autumn, Sundown, Wet Day, Storm Cloud : de nombreux titres renvoient à des ambiances atmosphériques. Ou à des relations intimes ( For Alan VII, la Plume de ma tante…). Dans tous les cas, il est question d’éphémère et d’impalpable, d’instants perdus et retrouvés. Howard Hodgkin négocie avec ces petites choses de l’existence qui en sont la sève. Et si mélancolie il y a dans sa tentative de faire revivre ce qui échappe, c’est avant tout un impérieux désir de toucher à l’essentiel et à une forme d’éternité qui le meut. Howard Hodgkin chose painting and never looked back. He never gave in to fashion. Born in 1932 in London, he is a member of the generation of British artists like David Hockney, Allen Jones and Peter Blake whose professional carriers started in the late 1950s. Although his 1960s production was labeled Pop Art, he soon developed a unique body of work and had to wait more than thirty years before achieving full recognition. He began to emerge from the shadows in the 1980s with the British Pavilion at the Venice Biennale in 1984 and the Turner Prize the following year. In 1995 he had a retrospective at the Metropolitan Museum of Art in New York. Yet he was almost unknown in France until 2014, when the Gagosian gallery decided to show his work in Paris. This makes his show at the Éric Dupont, gallery all the more remarkable. It comprises seventeen prints made from 1990 to 2014, most of them using carborundum, sometimes with aquatint and additional hand painting. As in his paintings, he usually opts for small and medium-sized formats, and handles the colors with audacity and freedom, with no fear of them clashing. Shimmering greens, strident oranges, acidic yellows, flamboyant reds, deep blues and disturbing browns face off and bang up against each other. Hodgkin has often been compared to Turner and other English landscape artists, but Matisse and his color juxtapositions also come to mind. The exhibition design creates a kind of symphony in which the prints resonate and dialogue with one another. Visitors pleasurably plunge into waves of color. Organic and geometric shapes come into view, but never an illusionist space. Yet Hodgkin rejects being called an abstract painter. His work is situated somewhere beyond the abstraction/figuration binomial. Just like his paintings, each of his prints embodies the memory of an emotion, a voyage, a dinner with friends. “My paintings represent emotional situations,” he once explained. Like Proust’s Madeleine, each print seems to bring a whole world back to life. Many of their titles— Autumn, Sundown, Wet Day, Storm Cloud, etc.— refer to atmospheric ambiances. Or to personal relationships ( For Alan VII, La Plume de ma tante, etc.). All of these pieces are about the ephemeral and impalpable, moments lost and found again. Hodgkin negotiates with the details of existence that are its life force. If a sense of melancholy arises from these efforts to recover the irrecoverable, what comes through the most is an imperious desire to convey the essence of things and the forms of eternity that move him.
Translation, L-S Torgoff