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Warhol, la biographie

- Éric Loret

Globe Warhol fut un champion de l’autobiogra­phie ( Ma philosophi­e de A à B, America, Journal…) et un rénovateur du genre. S’inventant une vie plate, sans arrière-monde, entièremen­t publique, il prédisait à la fois l’avènement de l’exhibition­nisme 2.0. et jouait d’une mélancolie aiguë, mimant la mort pour faire échec à la perte : « Parfois, certains se laissent anéantir par le même problème pendant des années alors qu’ils pourraient tout simplement se dire “et alors” et passer à autre chose. C’est une de mes expression­s favorites : “Et alors ?” Ma mère ne m’aimait pas. “Et alors?” Mon mari ne veut pas me baiser. “Et alors ?” » Le « pape du pop » ayant été l’analyste le plus fin de sa propre névrose érigée en esthétique (des toiles toutes de la même taille et de la même couleur « afin que personne n’ait l’impression d’en posséder une mieux ou une moins bonne »), le livre de Victor Bockris, assistant de Warhol et contribute­ur émérite d’Interview, intéresse surtout par sa tentative de réancrer l’artiste dans son époque. À la fois par un contexte artistique et historique précis (on croise par exemple George Grosz en 1949), et par de nombreux témoignage­s de l’entourage ou de spécialist­es. Ce n’est donc pas Warhol tel qu’en lui-même, même s’il est souvent cité, mais tel que les autres l’ont perçu, Bockris le premier : ainsi écritil, par exemple, queWarhol, amoureux de Basquiat, « faisait plus jeune, il n’avait plus l’air d’une vieille mémère ». S’il ne contient pas de révélation (à part une conférence au sommet en 1974 entre Warhol et Imelda Marcos), le livre échappe au règlement de comptes que suscitent généraleme­nt les pygmalions : il étudie en revanche son sujet sans pincettes, traçant le portrait sociologiq­ue exemplaire d’un produit de l’aprèsguerr­e américaine.

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