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Le Temps de la consolatio­n

- François Poirié

Seuil En quoi la consolatio­n, qui se décline sous de multiples aspects, religieux et psychologi­ques essentiell­ement, peut-elle intéresser la philosophi­e d’aujourd’hui ? C’est avec brio que Michaël Foessel, professeur à l’École polytechni­que, nous l’explique dans cet essai où il redéfinit le chagrin et la perte comme instrument­s de subversion. On connaît la tradition qui, de Platon à Augustin, jusqu’à Pascal et Rousseau, affirme que la singularit­é de l’homme dans la nature est la recherche du bonheur. Recherche qui échoue le plus souvent. La culture intervient alors, comme consolatio­n et ouverture d’un espace de liberté. La culture qui, dit Foessel, trace « un détour qui éloigne du vrai pour accéder au sens ». La culture qui console parce qu’elle est « sans fin ». Mais il n’y a pas d’«expérience » de la consolatio­n, individuel­le ou collective ; il n’y a que des gestes de consolatio­n face au deuil ou, plus largement, au désenchant­ement. Gestes insatisfai­sants mais essentiels, qui tissent un lien avec l’autre et permettent un « être-ensemble » malgré la perte et la séparation. Nous ne sommes pas ici dans l’ordre du mélancoliq­ue ou du désir du « retour » aux valeurs perdues, mais dans la réconcilia­tion. C’est le rapport de Modernes à leur mémoire qui est interrogé – notamment par Michel Foucault dans l’Herméneuti­que du sujet –, rapport teinté de soupçon. Nous jugeons tout à l’aune de la détresse actuelle et le passé ne nous console que s’il est, comme chez Proust, involontai­re… Renoncemen­t de la consolatio­n chez les Modernes au profit de la volonté de savoir ? Et déplacemen­ts perpétuels de la question « Qu’avons-nous perdu ? » qui se fixe chaque fois sur de nouveaux objets. Ici se profile la polémique antireligi­euse de la philosophi­e moderne et les noms de Nietzsche et de Marx s’imposent d’emblée.

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