Le Temps de la consolation
Seuil En quoi la consolation, qui se décline sous de multiples aspects, religieux et psychologiques essentiellement, peut-elle intéresser la philosophie d’aujourd’hui ? C’est avec brio que Michaël Foessel, professeur à l’École polytechnique, nous l’explique dans cet essai où il redéfinit le chagrin et la perte comme instruments de subversion. On connaît la tradition qui, de Platon à Augustin, jusqu’à Pascal et Rousseau, affirme que la singularité de l’homme dans la nature est la recherche du bonheur. Recherche qui échoue le plus souvent. La culture intervient alors, comme consolation et ouverture d’un espace de liberté. La culture qui, dit Foessel, trace « un détour qui éloigne du vrai pour accéder au sens ». La culture qui console parce qu’elle est « sans fin ». Mais il n’y a pas d’«expérience » de la consolation, individuelle ou collective ; il n’y a que des gestes de consolation face au deuil ou, plus largement, au désenchantement. Gestes insatisfaisants mais essentiels, qui tissent un lien avec l’autre et permettent un « être-ensemble » malgré la perte et la séparation. Nous ne sommes pas ici dans l’ordre du mélancolique ou du désir du « retour » aux valeurs perdues, mais dans la réconciliation. C’est le rapport de Modernes à leur mémoire qui est interrogé – notamment par Michel Foucault dans l’Herméneutique du sujet –, rapport teinté de soupçon. Nous jugeons tout à l’aune de la détresse actuelle et le passé ne nous console que s’il est, comme chez Proust, involontaire… Renoncement de la consolation chez les Modernes au profit de la volonté de savoir ? Et déplacements perpétuels de la question « Qu’avons-nous perdu ? » qui se fixe chaque fois sur de nouveaux objets. Ici se profile la polémique antireligieuse de la philosophie moderne et les noms de Nietzsche et de Marx s’imposent d’emblée.