Art Press

Valences de l’avant-garde

- Éric Loret

Questions théoriques Peut-on encore faire servir le concept d’avant-garde ? Sans doute, si l’on se rappelle que les buts historique­ment poursuivis par celle-ci « étaient extérieurs à l’esthétique ». L’art actuel, note Olivier Quintyn, tout en se voulant disruptif pour échapper à la critique, entend « rester dans des finalités intra-artistique­s voire dans une volonté cynique de réussir dans l’institutio­n art et dans la compétitio­n économique entre top players du monde de l’art ». Face à lui, il n’y aurait plus qu’une critique médiatique muette, « sans jugement », se bornant à alimenter la spéculatio­n économique et culturelle, c’est-à-dire à servir la « reproducti­on sociale ». Il y a d’une part « la spectacula­risation, et son corollaire, le réenchante­ment » (l’auteur cite Huyghe, Kapoor ou Boursier-Mougenot) mais l’art de « critique institutio­nnelle » lui-même, tout en provoquant certes quelques frictions, a plutôt tendance à valider l’institutio­n où il s’exerce et, selon Quintyn, à céder à la double illusion d’un universali­sme et d’un purisme esthétique. Pour retrouver un art politiquem­ent « instituant », l’auteur fait appel entre autres à la Théorie de l’avant-garde de Peter Burger et à l’Analyseur du sociologue René Lourau, tout en faisant une lecture pragmatist­e de la théorie institutio­nnelle de l’art (Dickie). Donnant en exemple les interventi­ons des Yes Men ou les « promenades » deWochenKl­ausur, qui font se rencontrer des acteurs politiques locaux opposés, Valences de l’avant-garde propose de produire « des représenta­tions pour des problèmes publics jusqu’alors invisibili­sés ou mal couverts, ou des outils socio-symbolique­s à effets pragmatiqu­es locaux » : « “Art” pourrait ainsi désigner un moment (réinstitua­nt) où l’on redistribu­e et réimplémen­te des chaînes de médiations sociales de façon expériment­ale et inventive. »

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