Valences de l’avant-garde
Questions théoriques Peut-on encore faire servir le concept d’avant-garde ? Sans doute, si l’on se rappelle que les buts historiquement poursuivis par celle-ci « étaient extérieurs à l’esthétique ». L’art actuel, note Olivier Quintyn, tout en se voulant disruptif pour échapper à la critique, entend « rester dans des finalités intra-artistiques voire dans une volonté cynique de réussir dans l’institution art et dans la compétition économique entre top players du monde de l’art ». Face à lui, il n’y aurait plus qu’une critique médiatique muette, « sans jugement », se bornant à alimenter la spéculation économique et culturelle, c’est-à-dire à servir la « reproduction sociale ». Il y a d’une part « la spectacularisation, et son corollaire, le réenchantement » (l’auteur cite Huyghe, Kapoor ou Boursier-Mougenot) mais l’art de « critique institutionnelle » lui-même, tout en provoquant certes quelques frictions, a plutôt tendance à valider l’institution où il s’exerce et, selon Quintyn, à céder à la double illusion d’un universalisme et d’un purisme esthétique. Pour retrouver un art politiquement « instituant », l’auteur fait appel entre autres à la Théorie de l’avant-garde de Peter Burger et à l’Analyseur du sociologue René Lourau, tout en faisant une lecture pragmatiste de la théorie institutionnelle de l’art (Dickie). Donnant en exemple les interventions des Yes Men ou les « promenades » deWochenKlausur, qui font se rencontrer des acteurs politiques locaux opposés, Valences de l’avant-garde propose de produire « des représentations pour des problèmes publics jusqu’alors invisibilisés ou mal couverts, ou des outils socio-symboliques à effets pragmatiques locaux » : « “Art” pourrait ainsi désigner un moment (réinstituant) où l’on redistribue et réimplémente des chaînes de médiations sociales de façon expérimentale et inventive. »