Art Press

Pour n’en pas finir. Écrits sur la musique

- Laurent Perez

Bourgois Les Écrits sur la musique de Philippe Lacoue-Labarthe poursuiven­t le très beau travail entrepris par Aristide Bianchi et Leonid Kharlamov avec ses Écrits sur l’art et un volume à paraître d’écrits sur le théâtre, avec la complicité de son ami Jean-Christophe Bailly, tantôt préfacier, tantôt éditeur. Art, musique, théâtre: autant de lignes de fuite pour le penseur, mort en janvier 2007, qui s’attacha avec intensité à penser la fin de la philosophi­e depuis les lisières de celle-ci plutôt que d’arborer médiatique­ment, comme tant d’autres, son cadavre. S’intituler, comme il le faisait, « professeur de philosophi­e » plutôt que « philosophe » signalait à la fois le désir impossible d’un retour à l’origine de la métaphysiq­ue et le souci de la transmissi­on orale. Cette dimension orale, « acoustique » (qui restera le principal apport thématique de Lacoue-Labarthe à la philosophi­e de son temps), est au coeur du volume, mais aussi du style même de l’auteur qui, dans son intensité et son érudition, semble souvent relever de la pensée à haute voix. « L’écoute est le paradigme (et non la métaphore) de la perception en général. L’inconscien­t parle. Et la voix est ce par quoi, essentiell­ement, il parle », écrit-il dans son texte sur le psychanaly­ste Theodor Reik. Cette recherche de l’origine de l’acoustique inspire l’émouvante « petite conférence » sur la musique donnée en 2005 au Centre dramatique national de Montreuil pour un public d’enfants. Dans la continuité de sa lecture très critique de Heidegger, Lacoue-Labarthe met également en évidence la résonance politique de la musique, tendue entre la tentation figurale pressentie et combattue par Nietzsche chez Wagner et la possibilit­é d’un « désart » que le philosophe, qui se rêvait saxophonis­te ou batteur, reconnaît, contre Adorno, dans le jazz.

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