L’Autre Journal
Gallimard En 1985, Michel Butel, génial aventurier de la presse écrite, propose à Hervé Guibert de collaborer à sa dernière « invention », l’Autre Journal. En quelques mois, l’écrivain signe une trentaine d’articles, d’entretiens et de photographies légendées de sa main. Il évoque ses amis, Eugène Savitzkaya, Bernard Faucon et Mathieu Lindon, ses grand-tantes, Suzanne et Louise, dédie un bouquet à Yvonne Baby, s’interroge sur Isabelle Adjani « ressuscitée », livre des lettres émouvantes de Michel Foucault et Roland Barthes, échange avec des enfants exceptionnels et rencontre Peter Handke. Il recueille les propos et ouvre la porte des existences particulières d’un aveugle qui a « des yeux intérieurs », d’un professeur de lettres retraité joueur de scie dans le métro, du père de Fantômette, héroïne de la Bibliothèque rose, d’une très vieille dame qui parle de sa sexualité dans les années 1910-1930 et d’un dessinateur d’arcs-en-ciel. De ses effractions bienveillantes, il ramène un drôle de butin qui étincelle de la magie d’une parole alerte et de la transparence d’une précieuse fragilité d’un chemin de connaissance. Dans cet ensemble généreusement effervescent et pourtant fortement cohérent, on perçoit un dialogue entre les ombres et les rêves de la vie secrète, les trajectoires mystérieuses qui débordent la réalité et en exacerbent la matière. Et ce dialogue est plein de subtiles complicités, d’excitantes fulgurances, tout en s’ouvrant parfois sur des vertiges, des peurs, des questions sans réponse. Guibert enchante tout ce qu’il aborde et se tient au plus près d’une fantaisie qui ne perd jamais le contact avec les signes de connivence que sans cesse nous adresse cette saisie poétique du monde où se mêlent les confidences et les inquiétudes, une pointe d’acidité et une promesse de félicité.