Disney Louvre Louvreland
Il est loin le temps où les musées étaient fréquentés par quelques rares amateurs ; on s’y presse aujourd’hui dans un besoin de consommation culturelle qui donne à certains la patience d’affronter les files d’attente les plus longues. Lorsqu’on pénètre enfin sous la Pyramide, non loin du néon rouge de Claude Lévêque qui descend de la pointe de l’édifice, l’une des grandes bannières annonçant toutes les expositions temporaires du moment montre deux personnages posant comme de vieux amis sur une photo de vacances : Mythes fondateurs, d’Hercule à Dark Vador. Sous ce titre vient d’être inaugurée la Petite Galerie, destinée aux jeunes visiteurs. Le Louvre n’est pas le premier musée, en France ni à l’étranger, à offrir des expositions pour enfants. Le Centre Pompidou a été précurseur en la matière, et le Musée des enfants du musée d’art moderne de la Ville de Paris, également très novateur en son temps, a même inspiré à Christian Boltanski l’oeuvre pérenne, la Réserve du musée des enfants, installée dans le sous-sol du bâtiment depuis 1989. Ces espaces spécialisés ont des vertus, sans remplacer en rien la magie et l’étrangeté des visites dans les « vraies » salles, le hasard des découvertes furtives au fil des départements traversés au pas de course, de la peinture italienne aux antiquités égyptiennes. Mais revenons à Star Wars. Que le Louvre ait la volonté de s’ouvrir à des formes de culture contemporaine ne surprend pas non plus. Il y de nombreuses années que l’art contemporain y est accueilli sous la forme de commandes pérennes, d’expositions, de programmations cinématographiques et musicales. Ce qui étonne davantage est que dans cette exposition conçue avec brio, qui est un voyage dans l’histoire de l’art depuis l’aube de l’humanité jusqu’à l’époque actuelle, à travers tous les continents (et dont on se demande, par ailleurs, ce que des enfants peuvent en retirer, au-delà du plaisir, essentiel certes, de découvrir tour à tour un crocodile iatmul de Papouasie, le Paradis terrestre de Brueghel ou le Pandemonium de John Martin), la figure de Dark Vador, dont la vie a été révélée dans les différents épisodes de Star Wars depuis presque quarante ans, est largement éclipsée, et semble se résumer à un outil de publicité. Dark Vador pourrait bien être devenu l’un des mythes de la société contemporaine au même titre que les héros de certaines séries télévisées et de jeux vidéo, qui méritent largement que l’on s’y intéresse, ce que nous avons d’ailleurs déjà fait à plusieurs reprises dans les pages d’artpress et d’artpress2. Il aurait été passionnant de s’interroger au Louvre sur la naissance d’un nouveau mythe. Mais rien de cela ici. Et l’on se demande qui, de Disney ou du Louvre, sert finalement la promotion de l’autre. Anaël Pigeat
The time when museums were the province of a small band of enthusiasts is long gone. Today they draw crowds of cultural consumers, armed with patience for the long queue ahead. And so to the Louvre When you finally get inside, under the Pyramid, not far from the red neon by Claude Lévêque that slants down from its tip, one of the big banners announcing the current shows features two figures posing like old friends in a holiday snapshot. “Founding Myths, from Hercules to Darth Vader” is the title of the inaugural show at the Petite Galerie, a new space for younger visitors. The Louvre is certainly not the first museum, in France or abroad, to put on exhibitions for children. The Pompidou Center was a precursor in this field, aswas the innovative Musée des Enfants du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (it even inspired Christian Boltanski tomake his work Réserve dumusée des enfants, which has been installed in the basement there since 1989). These specialized spaces have their virtues, although they could never replace the magic and strangeness of visits to the “real” galleries, the serendipity of fleeting discoveries when you are charging through the departments, going from Italian painting to Ancient Egypt. But what about Star Wars? That the Louvre should respond to contemporary culture is not surprising, of course, and indeed it has been exhibiting and commissioning contemporary art for many years now, as well as running programs of films andmusic. What is more surprising is that in this exhibition, this journey that takes us with real flair through the history of art from the dawn of humanity to the current decade (although youmight wonder what children will actually get from its juxtaposition of a Iatmul crocodile from Papua New Guinea, Brueghel’s Earthly Paradise and Pandemonium by John Martin—beyond that all important sensation of pleasure, of course), the figure de Darth Vader, whose story has been told in the various episodes of Star Wars to have come out over the last four decades, is hardly present. His role seems purely commercial. And yet, Darth Vader could easily have been treated as one of the myths of contemporary society, on the same level as the heroes of certain TV series and video games, whose significance this magazine has analyzed a number of times. It would have been fascinating to consider the emergence of this newmyth at the Louvre. But there’s none of that here, and you are left wondering: is Disney being used to promote the Louvre, or vice versa?
Anaël Pigeat Translation, C. Penwarden