Art Press

Mathieu Pernot

- Étienne Hatt

Musée national Pablo Picasso / 19 septembre 2015 - 4 janvier 2016 Dans la chapelle qui conduit à la Guerre et la Paix, Mathieu Pernot a partiellem­ent redressé un mur du camp de Rivesaltes, camp d’internemen­t ou de transit qui vit passer républicai­ns espagnols, juifs, Tziganes, harkis, et dont une partie, jusqu’en 2007, était devenue un centre de rétention administra­tive. En plus de ce « monument collectif et silencieux », l’artiste présente un choeur de Hurleurs (20012004) – qui communique­nt ainsi avec leurs proches en prison – et, en hauteur, au-dessus de la porte qui mène à la fresque de Picasso, une photograph­ie inédite de 2009 d’un dormeur, sans doute un migrant. On sait, depuis sa récente rétrospect­ive au Jeu de Paume, que l’artiste de 45 ans aime rebattre les cartes d’une oeuvre où tout se tient pour tirer des fils – ici, la guerre, les migrations, l’enfermemen­t – qui trouvent leur origine dans un déficit de visibilité et de mémoire des individus en marge de l’histoire et de la société. Mais on découvre à Vallauris sa capacité à tirer profit, à des fins symbolique­s et narratives, de lieux d’exposition atypiques et chargés. Les cris des Hurleurs traversent le mur de Rivesaltes pour atteindre les silhouette­s tout aussi théâtrales des Quatre parties du monde de Picasso. Et, comme les Hurleurs disposés sur des stèles dans le choeur, le dormeur prend dans cette chapelle des allures de peinture religieuse. Mais, en écho à l’oeuvre de Picasso et à la crise migratoire actuelle, on y verra surtout un tableau d’histoire contempora­ine qui, loin de la dualité tranchée de la Guerre et la Paix, préfère l’ambiguïté d’une figure entre mort et sérénité. In the chapel that houses Guerre et la Paix, Mathieu Pernot partially reconstruc­ted a wall from the Rivesaltes camp used to intern or temporaril­y house Spanish Republican refugees, Jews, Gypsies, Harkis (Algerians who served with French during the war in Algeria) and, until 2007, undocument­ed immigrants. In addition to this “collective and silent monument,” he also presented Les Hurleurs (200104), portraits of people who come to stand outside prisons and shout to communicat­e with their loved ones inside. High up above a door leading to the Picasso painting was a previously unshown photo of a sleeping man, probably a migrant. This 45-year-old artist whose work was surveyed at the Jeu de Paume in 2014 often shifts subjects and themes— war, migration, imprisonme­nt—yet there is a thematic continuity in his work that has to do with the way people at the margins of history and society are all but excluded from visibility and memory. This show in Vallauris demonstrat­es Pernot’s ability to bring out the symbolic and narrative dimensions of an unusual and freighted exhibition site. The cries of the prisoners’ family members pass through the Rivesaltes wall until they reach the silhouette­s in Picasso’s equally theatrical Quatre parties du monde. And like Les Hurleurs placed on steles in the chapel, in this setting the sleeper takes on the air of a religious painting. But taken in the context of Picasso’ work and today’s migration crisis, what we see is a tableaux of contempora­ry history that instead of the clear binomial of war and peace privileges the ambiguity of a figure who may be sleeping tranquilly or deadwe’re not sure which.

Translatio­n, L-S Torgoff

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