Hervé Di Rosa
Galerie Louis Carré & Cie / 27 novembre 2015 - 9 janvier 2016 Même si des sculptures de hauteur moyenne (70 cm environ), disposées dans l’entrée et la première salle de la galerie, préparaient à la rencontre, on était saisi en pénétrant dans le grand espace, confronté soudain à d’invraisemblables personnages, dépassant d’au moins une bonne tête la plupart des visiteurs. Tête en bronze doré sur un corps de bois sculpté. Un groupe de huit individus occupait ainsi le centre, exhibant leur corps trapu, dévisageant les visiteurs de leurs yeux exorbités, sortant de visages bulbeux, ou cloutés, ou au contraire de faces plates. On retrouve dans ces figures, grandes et petites, bien des caractéristiques de celles auxquelles l’artiste nous a habitués dans ses peintures : têtes en pain de sucre (ou autre chose), yeux cyclopéens ou bien multiples, sourires carnassiers, nez légumineux, corps robotisés. Toutefois, appartenant au cycle Autour du monde dont elles sont la dernière étape, elles sont le fruit d’une collaboration. Rappelons l’aventure tout à fait unique dans laquelle Hervé Di Rosa s’était engagé il y a plus de vingt ans. Lors de séjours à l’étranger, il s’initie à des pratiques traditionnelles qu’il applique à son propre univers : technique de l’icône à Sofia, pierre lithographique à Cuba, cire perdue, comme pour ces têtes en bronze, à Foumban au Cameroun… Il faut lire dans le catalogue le texte passionnant de Jean Seisser, artiste lui-même et qui assiste Di Rosa dans le développement de ses projets. On découvre que l’exposition est le résultat d’un très long processus commencé en 2002. Dans le village d’artistes de Foumban, Di Rosa a d’abord fait réaliser les têtes sans prévoir de socle, et ce n’est qu’après avoir expérimenté diverses solutions de présentation que se sont imposés ces socles anthropomorphes, eux aussi étonnantes synthèses du style de Di Rosa – qui fournit des dessins – et de l’interprétation qu’en livre le sculpteur africain en fonction de son propre mode de penser, par exemple indifférent aux rapports de proportion. Le résultat est le plus subtil usage qui soit du phénomène de la globalisation dans le monde de l’art. Des gouaches illustrent le contexte. Les nombreuses figures présentées, qui toutes portent des noms pittoresques, l’Amoureuse aux belles poitrines (notez le pluriel), le Mathématicien scrupuleux (au corps géométrique), la Jeteuse de sort (hérissée sur le modèle des fétiches à clous), acquièrent curieusement non seulement une présence du fait de leur tridimensionnalité, mais aussi une humanité émouvante que n’ont pas toujours les figures peintes, plus proches de la bande dessinée. Dans sa préface, Yves Le Fur cite avec raison le beau texte d’André Chastel sur la grottesque qui réalise « la fusion des espèces ». Ici, c’est la condition humaine qui transmet aux monstres son souffle et ses émotions. Even if visitors have been prepared by the medium-sized sculptures (about 70 centimeters) in the entrance hall and the first room, still when they reach the main space they are struck by the improbable figures a good head taller than most people. Gilded bronze heads sit on sculpted wood bodies. In the center of the room is a group of eight individuals, exhibiting their stocky bodies as they stare at visitors with wild eyes bulging out of their faces, some bulbous or studded with nails, other totally flat. Both the small and larger figures present characteristics we’ve gotten used to in Hervé Di Rosa’s paintings: heads shaped like sugarloaves (among other things), cyclopean or several eyes, carnivorous smiles, leguminous noses and robotic bodies. All were made working with other people as the last segment of the series Autour du monde, a unique project launched more than twenty years ago. During trips abroad he learns local traditional practices he then applies to his own world, such as icon techniques picked up in Sofia, stone lithography (Cuba), lost wax bronze heads (Foumban, Cameroun), etc. The fascinating catalogue text by Jean Seisser, artist himself and Di Rosa’s project assistant, is a must-read. He explains a very long process that began in 2002. In Foumban, an artists’ vil- lage, Di Rosa initially had heads made without a base. It was only after experimenting with various mounting solutions that the idea arose for these anthropomorphic pedestals. They, too, are amazing syntheses of Di Rosa’s signature stylistic traits, made from drawings he furnished by an African sculptor who interpreted them according to his own way of thinking (for example, the indifference to proportions). The result is a uniquely subtle handling of the phenomenon of globalization in art. Gouaches illustrate the context. The many figures presented, all bearing picturesque names—The Lover with the Lovely Busts (note the plural), The Scrupulous Mathematician (with a geometric body), the Fortune-Teller (a woman’s body bristling with nails, fetish-style)—acquire not only a presence, because of their threedimensionality, but also a moving humanity not always found in Di Rosa’s more cartoonish paintings. In his catalogue introduction, Yves Le Fur insightfully cites André Chastel’s essay about grotesque painting in Renaissance art, with its “fusion of species.” In this work, the human condition infuses monsters with its breath and emotions.
Translation, L-S Torgoff